Il est vrai que je n’ai rien fait ni proposé que de l’aveu du conseil entier de l’Université. Mais alors de tous les membres de ce conseil, la plupart étrangers et arrivés depuis peu, j’étais le seul qui réunit quelques connaissances d’architecture à un séjour de plusieurs années dans le pays, et à cet égard je fus chargé de travailler cette partie. Si après tout ce que les circonstances postérieures ont contribué à hausser les prix de nos bâtiments il se trouvait que j’ai taxé ce prix trop bas, Sire, je compte sur Votre indulgence; Vous sentirez que la possibilité de me tromper ne me laissait point d’alternative; je pourrais détester l’Université si j’avais pu avoir un instant la maxime qu’il vaut mieux demander trop que trop peu.
Peut-être, Sire, Vous proposera-t-on de nommer une commission pour examiner cette affaire. Cette commission ne pourrait voir tout au plus que ce que le Curateur a vu, ne serait pas à même de faire un devis exact des sommes nécessaires à cause de la variabilité des prix. Tout son effet serait de jeter sur Université un faux jour. Sire, conservez nous Votre confiance sur ce point comme sur les autres. C’est le seul que nos ennemis aient respecté jusqu’à présent. L’intégrité du Professeur Krause est dans toute la Livonie un axiome sur lequel personne n’a encore tenté d’élever des doutes. Au contraire; permettez-moi, Sire de Vous faire la proposition suivante: isolez en quelque sorte le Prof. Krause de l’Université. Donnez-lui directement la commission d’exécuter les bâtiments tels que Vous les avez approuvés (à l’exception de l’observatoire qui ne peut être placé sur la tour de la vieille église et pour lequel on a déjà trouvé un emplacement plus sûr et plus commode). Ordonnez-lui d’envoyer au Curateur à la fin de chaque année le devis des sommes dont il compte avoir besoin l’année suivante, abstraction faite des épargnes que l’Université compte faire cette année. Que toute notre bâtisse devienne son affaire personnelle. Je mets en gage pour lui toute la bonne opinion que Vous avez de ma moralité. Krause n’est pas un homme ordinaire. Il sent ce que l’humanité Vous doit, il sent ce que nous Vous devons, il songe à la posterité3
.31. G. F. Parrot à Alexandre IER
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Sire,
Mon devoir me fait la loi de Vous rappeler ma dernière lettre, du 14 Juin, où je Vous confiai un double embarras où se trouve Votre Université, par rapport aux écoles et à nos bâtiments. Daignez la relire si le contenu Vous en est échappé; daignez me répondre. Vous m’aviez promis Vos conseils dans ces situations difficiles! – Nous avons l’air d’avoir été peu actifs pour l’établissement des écoles de l’arrondissement que Vous nous avez confié. Cette apparence provient de mille difficultés sourdes que ne s’allèguent pas. Nous en avons levé une bonne partie, et le 15 septembre sera célébré par l’inauguration de nombre d’écoles. Daignez, Sire, éliminer une difficulté sur laquelle Vous seul pouvez prononcer. Nous négocions avantageusement avec les villes pour l’établissement des écoles triviales. Dorpat même consent de bonne volonté à un sacrifice de 1500 Rbl. annuels pour cet objet. Si on nous reçoit ces sommes pour les fondre dans la masse des gymnases et écoles de district, que deviendront les écoles triviales, et quel faux jour ne retombera pas sur ces négociations? Sire! La chose est importante et pressante.
On m’a raconté que Vous avez sauvé un enfant qui se noyait. Ce serait le moment de Vous rappeler le reproche de trop de vivacité que Vous m’avez fait si souvent. Je ne le ferai pas, et c’est précisément mon tendre attachement pour Votre personne, qui m’en empêche; ma raison même me le défend. Mon cœur veut Vous voir au moins à l’égal de tout ce que la nature humaine a produit de grand, et s’il est vrai que la vertu exige un exercice continuel, le froid calcul ne doit pas Vous paralyser dans ces instants délicieux où la belle nature revendique ses droits avec cette force sublime qui fait taire toute autre considération. Connaissez-Vous un Être au monde qui perdît autant que moi à Votre perte? Sachez-moi bon gré de cette manière de voir. O Vous m’avez appris à relancer l’égoïsme dans ses retraites les plus cachées, dans ces replis du cœur humain devant lesquels les plus purs sentiments semblent seuls faire sentinelle. – Vivez longtemps!
Parrot
32. G. F. Parrot à Alexandre IER
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Sire,