Читаем L'Empire des anges полностью

 La loi CRP s'avère donc la plus rentable sur le long terme. Chacun peut le vérifier dans son quotidien. Cela signifie qu'il faut oublier toutes les avanies qu'un collègue de travail ou un concurrent vous fera et continuer sans cesse à lui proposer de travailler avec lui comme si de rien n'était. À la longue, la méthode est payante. Ce n'est pas de la gentillesse, il y va juste de votre propre intérêt démontré par l'informatique.

Edmond Wells,

Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, tome IV.

<p>14. FŒTUS JACQUES. MOINS 2 MOIS</p>

Tiens, comme c'est étrange… Je flotte. Je suis dans un sac rempli d'un liquide un peu opaque. Ma mère? Sans doute.

Je me souviens de mon existence précédente. J'étais indien d'Amérique. Je racontais des histoires à la veillée. Et puis les Blancs sont arrivés. Ils m'ont tué. Pendu.

À présent je vais revenir dans le monde. Mais où donc? Dans quel pays, dans quelle époque, auprès de quels parents? Je m'angoisse.

Ça discute là-haut. C'est probablement ma nouvelle mère. Que dit-elle? Je m'étonne de si bien la comprendre. Maman parle de moi. Elle dit qu'elle m'appellera Jacques. Elle dit que la nuit je donne des coups de pied, et qu'alors elle voit pointer les extrémités de mes orteils sur son ventre. Ah bon! Ça lui plaît, ça? Très bien, allons-y d'une ruade.

Elle dit qu'elle compte avoir recours à l'haptonomie.

– C'est quoi, l'haptonomie? demande son amie.

– Une technique permettant de faire participer le père à la grossesse. Il pose ses deux mains à plat sur le ventre de sa femme et, par le seul contact de ses paumes, il signale la présence d'une seconde personne attentive au fœtus.

C'est vrai. Hier encore, je les ai senties, ces mains. Il n'y a donc pas que maman, il y a aussi papa.

Maman explique que moi, bébé Jacques, je reconnais parfaitement les mains de mon père et que je viens m'y nicher sitôt qu'il les pose sur son ventre.

Je pousse le cordon ombilical. Je m'ennuie ici. Je me demande comment ce sera dehors.

<p>15. FŒTUS VENUS. MOINS 2 MOIS</p>

Donc j'existe.

C'est étrange. Je sais que je ne suis qu'un fœtus et, pourtant, je perçois quelque chose. Pas dehors. À côté de moi.

Je suis compressée et je ne le supporte pas. Que mon corps soit dans l'impossibilité de bouger m'obsède. Je fais de mon mieux pour identifier ce qui me bloque et, soudain, je découvre que, contre moi, il y a un frère jumeau.

J'ai un frère jumeau!

Je devine que nous sommes tous deux reliés à maman par nos cordons ombilicaux respectifs mais qu'en plus, merveille, nous disposons d'une connexion directe entre nous. On peut donc communiquer.

– Qui es-tu?

– Et toi, tu es qui?

– Je suis une petite fille dans le ventre de maman.

– Et moi un petit garçon.

– Je suis bien contente d'avoir de la compagnie. J'ai toujours pensé que la vie de fœtus était une expérience solitaire.

– Tu veux que je te parle de moi?

– Bien sûr.

– Je me suis suicidé dans ma vie précédente. Il me restait encore un peu de temps à tirer, alors j'ai été réexpédié ici-bas pour parachever mon karma. Et toi?

– Moi, avant, j'étais un vieillard chinois, un mandarin riche et puissant. J'avais plein de femmes et de serviteurs.

Je bouge. Ces souvenirs me donnent envie de tourner et de m'étirer.

– Je te gêne?

– Je suis un peu à l'étroit, en effet. Je dois te gêner moi aussi.

– Moi, ça m'est égal, petite sœur. Je préfère être à l'étroit et en bonne compagnie qu'avoir mes aises tout seul dans cette pénombre.

<p>16. FŒTUS IGOR. MOINS 2 MOIS</p>

Donc j'existe.

Je ne discerne pas grand-chose. Rien qu'un environnement rouge orangé. Et je perçois des bruits. Des battements de cœur. Le transit intestinal. La voix de maman. Elle dit des choses que je ne comprends pas.

– Je-ne-veux-pas-garder-ce-bébé.

Du charabia.

Je ressasse les syllabes jusqu'à retrouver une connaissance ancienne qui me permette de les interpréter.

Voix d'homme. Ce doit être papa.

– Tu n'es qu'une sotte. Tu lui as déjà donné un nom, Igor. À partir du moment où l'on désigne les choses, elles commencent à exister.

– Au début, je le voulais, mais maintenant je n'en veux plus de cet enfant.

– Il est trop tard, je te dis. Tu n'avais qu'à réfléchir avant. À présent, plus aucun médecin n'acceptera d'interrompre ta grossesse.

– Il n'est jamais trop tard. Nous n'avons pas les moyens d'entretenir un gosse, autant nous en débarrasser tout de suite.

Ricanements.

– Tu n'es qu'une ordure! crie maman.

– Je t'assure que tu finiras par l'aimer, insiste papa.

Sanglots de femme.

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