« Je ne saurais dire pourquoi, mais j’étais certain qu’il me cherchait ou me
« Mais qu’est-ce qu’un des Grandes Gens peut avoir à faire avec nous ? dit Pippin. Et que fait-il dans cette partie du monde ? »
« Il y a des Hommes dans les parages, dit Frodo. Dans le Quartier Sud, ils ont eu des ennuis avec les Grandes Gens, je crois bien. Mais jamais je n’ai entendu parler d’une chose semblable à ce cavalier. Je me demande d’où il vient. »
« Si vous permettez, m’sieur, intervint Sam tout soudainement, je sais d’où il vient. C’est de Hobbiteville qu’il vient, ce cavalier noir là, à moins qu’il y en ait plus d’un. Et je sais où il va. »
« Que veux-tu dire ? demanda Frodo avec brusquerie, le regardant d’un air stupéfait. Pourquoi n’as-tu rien dit avant ? »
« Je viens juste de m’en souvenir, m’sieur. Ça s’est passé comme ça : quand je suis rentré cheu nous hier au soir avec la clef, mon père, il m’a dit :
« Je pouvais pas rester pour en savoir plus, m’sieur, puisque vous m’attendiez ; et j’y ai pas fait tellement attention non plus. L’Ancêtre devient vieux, et plus qu’un peu bigleux, et il devait faire presque noir quand ce type a monté la Colline et l’a vu en train de prendre l’air au coin de notre rue. J’espère qu’il a pas rien fait de mal, m’sieur, ni moi non plus. »
« On ne peut rien reprocher à l’Ancêtre, dit Frodo. En fait, je l’ai entendu parler avec un étranger qui s’emblait s’enquérir de moi, et j’ai failli aller lui demander qui c’était. Je regrette de ne pas l’avoir fait, ou que tu ne m’en aies rien dit plus tôt. J’aurais peut-être été plus prudent sur la route. »
« N’empêche qu’il n’y a peut-être aucun lien entre ce cavalier et l’étranger de l’Ancêtre, dit Pippin. Nous sommes partis de Hobbiteville assez secrètement, et je ne vois pas comment il aurait pu nous suivre. »
« Mais le
« J’aurais dû attendre Gandalf, marmonna Frodo. Mais cela n’aurait peut-être fait qu’empirer les choses. »
« Alors tu sais ou tu devines quelque chose à propos de ce cavalier ? » dit Pippin, qui l’avait entendu marmonner.
« Je n’en sais rien, et j’aime mieux ne pas deviner », dit Frodo.
« Très bien, cher cousin ! Tu peux garder ton secret pour l’instant, si tu cherches à faire des mystères. En attendant, qu’allons-nous faire ? Je prendrais bien un morceau et quelques gorgées, mais quelque chose me dit qu’on ferait mieux de s’en aller d’ici. Vos histoires de cavaliers renifleurs aux nez invisibles m’ont ébranlé. »
« Oui, je crois qu’on va partir tout de suite, dit Frodo ; mais pas par la route… au cas où ce cavalier reviendrait, ou qu’un autre le suive. Il nous reste un bon bout à faire aujourd’hui. Il y a encore de nombreux milles avant le Pays-de-Bouc. »
Lorsqu’ils se remirent en chemin, l’ombre des arbres s’étendait, longue et mince, sur l’herbe. Ils marchaient à un jet de pierre du côté gauche de la route et restaient hors de vue autant qu’ils le pouvaient. Mais cela leur nuisait, car l’herbe était haute et touffue, le sol inégal, et les arbres commençaient à se regrouper en fourrés.