« S’il ne m’attend rien de pire que la Vieille Forêt, je pourrai me considérer chanceux, dit Frodo. Dis à Gandalf de presser le mouvement sur la Route de l’Est : nous ne tarderons pas à la retrouver et nous irons aussi vite que possible. » « Au revoir ! » crièrent-ils, puis il descendirent dans le tunnel et disparurent de la vue de Fredegar.
Il faisait sombre et humide à l’intérieur. Tout au bout, le passage était fermé par une grille constituée de solides barres de fer. Merry descendit de selle et ouvrit la grille avec sa clef ; et quand ils furent tous passés, il la repoussa. Elle se referma avec un choc métallique, et la serrure cliqueta. Ce bruit avait quelque chose de sinistre.
« C’est fait ! dit Merry. Vous avez quitté le Comté : vous voilà au-dehors, et à l’orée de la Vieille Forêt. »
« Les histoires qu’on raconte à son sujet sont-elles fondées ? » demanda Pippin.
« Je ne sais pas de quelles histoires tu veux parler, répondit Merry. Si tu veux dire les vieilles histoires de croquemitaines que Gros-lard tenait de ses nounous, peuplées de gobelins, de loups et d’autres créatures du même genre, je dirais que non. Ou du moins, je n’y crois pas. Mais la Forêt
« Il n’y a que les arbres qui sont dangereux ? » demanda Pippin.
« Bon nombre de créatures bizarres habitent au plus profond de la forêt et à l’autre extrémité, dit Merry ; c’est du moins ce que j’ai entendu dire, mais je n’en ai jamais vu une seule. Quelque chose trace des sentiers, cependant. Chaque fois qu’on entre à l’intérieur, on trouve des pistes dégagées ; mais elles semblent changer de place et se transformer de fois en fois, ce qui assurément est très bizarre. Il y a, ou il y a longtemps eu un sentier assez large qui partait non loin de ce tunnel et menait à la Clairière du Feu-de-Joie, puis se dirigeait plus ou moins dans notre direction, vers l’est et un peu vers le nord. C’est ce sentier-là que je vais essayer de trouver. »
Les hobbits laissèrent alors la grille et le tunnel et traversèrent le vallon échancré. À l’autre bout se trouvait un sentier à peine visible qui grimpait au niveau de la forêt, à plus de cent verges de la Haie ; mais il disparut aussitôt après les avoir amenés sous les arbres. Jetant un regard derrière eux, ils purent voir la ligne sombre de la Haie à travers les fûts qui les enserraient déjà passablement. Devant eux, ils ne voyaient que des troncs, de tailles et de formes innombrables : droits ou courbés, tordus, voûtés, trapus ou sveltes, noueux, branchus ou lisses ; et tous les fûts étaient verts ou gris, couverts de mousses et d’excroissances visqueuses et hirsutes.
Seul Merry semblait plutôt enjoué. « Tu ferais mieux de prendre la tête et de nous trouver ton sentier, lui dit Frodo. Tâchons de ne pas nous perdre les uns les autres, ni d’oublier de quel côté se trouve la Haie ! »