Erg Noor déplaça de deux mille mètres le limiteur d’altitude et alluma de puissants projecteurs. Un vaste océan, véritable mer d’épouvanté, s’étendait sous l’astronef. Les vagues d’un noir opaque se soulevaient et s’abaissaient au-dessus des profondeurs mystérieuses.
Le biologiste s’efforçait, tout en épongeant son front moite, de capter le reflet lumineux de l’eau par un appareil très sensible qui déterminait l’albédo — rapport de la quantité de lumière diffusée à la quantité de lumière reçue par une surface éclairée — pour connaître la salinité ou la minéralisation de cette mer des ténèbres ...
Au noir luisant de l’eau succéda un noir mat : la terre ferme. Les rayons croisés des projecteurs traçaient entre les murailles d’ombre un chemin étroit où surgissaient subitement des couleurs : tantôt des taches de sable jaunâtre, tantôt des ondulations rocheuses gris vert.
La
Enfin, Erg Noor retrouva la plaine. Trop basse pour être qualifiée de plateau, elle dominait pourtant la grève d’une centaine de mètres et se trouvait donc hors d’atteinte des marées et des tempêtes de la mer obscure.
Le détecteur avant de gauche siffla ... La
Un mugissement formidable fit vibrer le fuselage de la
Les énormes supports articulés se détachèrent du fuselage et reçurent les premiers le contact du monde étranger. Une’ secousse, un choc, une secousse ... la
Un poids écrasant pesait sur eux. Ils pouvaient à peine se soulever, comme après une grave maladie. L’infatigable biologiste réussit néanmoins à prélever un échantillon d’air.
— C’est respirable, annonça-t-il, je vais maintenant l’examiner au microscope !
— Pas la peine, répondit Erg Noor en défaisant l’enveloppe du fauteuil d’atterrissage. On ne peut quitter l’astronef sans scaphandre, car il peut y avoir ici des spores et des virus très dangereux.
Dans la cabine intermédiaire, on avait préparé d’avance les scaphandres biologiques et les « squelettes sauteurs », carcasses d’acier enrobées de cuir et munies d’un moteur électrique, de ressorts et d’amortisseurs, qu’on mettait par-dessus les scaphandres pour se mouvoir quand la force de pesanteur était trop grande.
Tous étaient impatients de sentir sous leurs pieds le sol, même étranger, après six ans de vagabondage dans les gouffres interstellaires. Key Baer, Pour Hiss, Ingrid, la doctoresse Lou-ma et deux ingénieurs-mécaniciens devaient rester à bord pour veiller à la radio, aux projecteurs et aux appareils.
Niza se tenait à l’écart, son casque à la main.
— Pourquoi hésitez-vous ? lui demanda Erg Noor qui vérifiait le poste téléphonique au sommet de son casque. Allons voir l’astronef !
— Je ... je crois qu’il est inanimé, qu’il est là depuis longtemps ... Encore une catastrophe, une victime de l’implacable Cosmos. On ne peut l’éviter, je le sais bien, mais c’est toujours si pénible ... surtout après Zirda, après VAlgrab ...
— Peut-être que la mort de cet astronef nous sauvera la vie, remarqua Pour Hiss en dirigeant la lunette à court foyer sur l’autre vaisseau plongé dans l’obscurité.
Les huit voyageurs étaient passés dans la cabine intermédiaire.