Читаем La planète des singes полностью

Les savants étaient partagés en deux clans, ceux qui refusaient toute espèce d’âme à un animal et ceux qui voyaient seulement une différence de degré entre le psychisme des bêtes et celui des singes. Bien entendu, personne ne soupçonnait la vérité totale, sauf Cornélius et Zira. Cependant, le rapport de Zaïus relatait des traits si surprenants que, sans même que cet imbécile s’en doutât, il troublait certains observateurs impartiaux, sinon les savants décorés, et le bruit commençait à courir dans la ville qu’un homme tout à fait extraordinaire avait été découvert.

Zira me murmura à l’oreille, en me faisant sortir de ma cage :

« Il y aura la foule des grands jours et la totalité de la presse. Tous sont alertés et pressentent un événement insolite. C’est excellent pour toi. Courage ! »

J’avais besoin de son appui moral. Je me sentais terriblement nerveux. J’avais repassé mon discours toute la nuit. Je le savais par coeur et il devait convaincre les plus bornés ; mais j’étais hanté par la terreur qu’on ne me laissât pas parler.

Les gorilles m’entraînèrent vers un camion grillagé, où je me trouvai en compagnie de quelques autres sujets humains, jugés dignes, eux aussi, d’être présentés à la docte assemblée, à cause de quelque particularité. Nous arrivâmes devant une énorme bâtisse, surmontée d’une coupole. Nos gardiens nous firent entrer dans un hall garni de cages, attenant à la salle de réunion. C’est là que nous attendîmes le bon plaisir des savants. De temps en temps, un gorille majestueux, revêtu d’une sorte d’uniforme noir, poussait une porte et venait crier un numéro. Alors les gardiens passaient une laisse à l’un des hommes et l’entraînaient. Mon coeur battait à chaque apparition de l’huissier. Par la porte entrebâillée, un brouhaha parvenait de la salle, parfois des exclamations et aussi des applaudissements.

Les sujets étant emmenés immédiatement après leur présentation, je finis par me trouver seul dans le hall, avec les gardiens, ressassant fébrilement les principales périodes de mon discours. On m’avait gardé pour la fin, comme une vedette. Le gorille noir surgit une dernière fois et appela mon numéro. Je me levai spontanément, pris des mains d’un singe éberlué la laisse qu’il s’apprêtait à fixer sur mon collier et l’assujettis moi-même. Ainsi, encadré de deux gardes du corps, je pénétrai d’un pas ferme dans la salle de réunion. Dès que je fus entré, je m’arrêtai, ébloui et décontenancé.

J’avais déjà vu bien des spectacles étranges depuis mon arrivée sur la planète Soror. J’estimais être accoutumé à la présence des singes et à leurs manifestations au point de ne plus pouvoir en être étonné. Pourtant, devant la singularité et les proportions de la scène qui s’offrait à mon regard, je fus saisi d’un vertige et me demandai une fois encore si je ne rêvais pas.

J’étais au fond d’un gigantesque amphithéâtre (qui me fit bizarrement penser à l’enfer conique de Dante) dont tous les gradins, autour et au-dessus de moi, étaient couverts de singes. Il y en avait là plusieurs milliers. Jamais je n’avais vu autant de singes assemblés ; leur multitude transcendait les rêves les plus fous de ma pauvre imagination terrestre ; leur nombre m’accablait.

Je chancelai et tentai de me ressaisir en cherchant des repères dans cette foule. Les gardiens me poussaient vers le centre du cercle, qui ressemblait à une piste de cirque, où une estrade était installée. Je fis lentement un tour sur moi-même. Des rangées de singes s’élevaient jusqu’au plafond, à une hauteur qui me parut prodigieuse. Les places les plus proches de moi étaient occupées par les membres du congrès, tous savants chevronnés, revêtus de pantalons rayés et de redingotes sombres, tous décorés, presque tous d’un âge vénérable et presque tous des orangs-outans. Je distinguai cependant dans leur groupe un petit nombre de gorilles et de chimpanzés. Je cherchai Cornélius parmi ceux-ci, mais ne le découvris pas.

Au-delà des autorités, derrière une balustrade, plusieurs rangs étaient réservés aux collaborateurs subalternes des savants. Une tribune était aménagée à ce même niveau pour les journalistes et les photographes. Enfin, plus haut encore, derrière une autre barrière, se pressait la foule, un public simien qui me parut fort surexcité, d’après la densité des murmures qui saluèrent mon apparition.

Je cherchai également à découvrir Zira, qui devait se trouver parmi les assistants. Je sentais le besoin d’être soutenu par son regard. Là encore, je fus déçu et ne pus découvrir un singe familier parmi l’infernale légion de singes qui m’entourait.

Перейти на страницу:

Похожие книги