Читаем Le compte de Monte-Cristo Tome IV полностью

Il n’était resté dans l’hôtel du banquier que Danglars, enfermé dans son cabinet, et faisant sa déposition entre les mains de l’officier de gendarmerie; Mme Danglars, terrifiée, dans le boudoir que nous connaissons, et Eugénie qui, l’œil hautain et la lèvre dédaigneuse, s’était retirée dans sa chambre avec son inséparable compagne, Mlle Louise d’Armilly.


Quant aux nombreux domestiques, plus nombreux encore ce soir-là que de coutume, car on leur avait adjoint, à propos de la fête, les glaciers, les cuisiniers et les maîtres d’hôtel du Café de Paris, tournant contre leurs maîtres la colère de ce qu’ils appelaient leur affront, ils stationnaient par groupes à l’office, aux cuisines, dans leurs chambres, s’inquiétant fort peu du service, qui d’ailleurs se trouvait tout naturellement interrompu.


Au milieu de ces différents personnages, frémissant d’intérêts divers, deux seulement méritent que nous nous occupions d’eux: c’est Mlle Eugénie Danglars et Mlle Louise d’Armilly.


La jeune fiancée, nous l’avons dit, s’était retirée l’air hautain, la lèvre dédaigneuse, et avec la démarche d’une reine outragée, suivie de sa compagne, plus pâle et plus émue qu’elle.


En arrivant dans sa chambre, Eugénie ferma sa porte en dedans, pendant que Louise tombait sur une chaise.


«Oh! mon Dieu, mon Dieu! l’horrible chose, dit la jeune musicienne; et qui pouvait se douter de cela? M. Andrea Cavalcanti… un assassin… un échappé du bagne… un forçat!»


Un sourire ironique crispa les lèvres d’Eugénie.


«En vérité, j’étais prédestinée, dit-elle. Je n’échappe au Morcerf que pour tomber dans le Cavalcanti!


– Oh! ne confonds pas l’un avec l’autre, Eugénie.


– Tais-toi, tous les hommes sont des infâmes, et je suis heureuse de pouvoir faire plus que de les détester; maintenant, je les méprise.


– Qu’allons-nous faire? demanda Louise.


– Ce que nous allons faire?


– Oui.


– Mais ce que nous devions faire dans trois jours… partir.


– Ainsi, quoique tu ne te maries plus, tu veux toujours?


– Écoute, Louise, j’ai en horreur cette vie du monde ordonnée, compassée, réglée comme notre papier de musique. Ce que j’ai toujours désiré, ambitionné, voulu, c’est la vie d’artiste, la vie libre, indépendante, où l’on ne relève que de soi, où l’on ne doit de compte qu’à soi. Rester, pour quoi faire? pour qu’on essaie, d’ici à un mois, de me marier encore; à qui? à M. Debray, peut-être, comme il en avait été un instant question. Non, Louise; non, l’aventure de ce soir me sera une excuse: je n’en cherchais pas, je n’en demandais pas; Dieu m’envoie celle-ci, elle est la bienvenue.


– Comme tu es forte et courageuse! dit la blonde et frêle jeune fille à sa brune compagne.


– Ne me connaissais-tu point encore? Allons, voyons, Louise, causons de toutes nos affaires. La voiture de poste…


– Est achetée heureusement depuis trois jours.


– L’as-tu fait conduire où nous devions la prendre?


– Oui.


– Notre passeport?


– Le voilà!»


Et Eugénie, avec son aplomb habituel, déplia un papier et lut:


«M. Léon d’Armilly, âgé de vingt ans, profession d’artiste, cheveux noirs, yeux noirs, voyageant avec sa sœur.»


«À merveille! Par qui t’es-tu procuré ce passeport?


– En allant demander à M. de Monte-Cristo des lettres pour les directeurs des théâtres de Rome et de Naples, je lui ai exprimé mes craintes de voyager en femme; il les a parfaitement comprises, s’est mis à ma disposition pour me procurer un passeport d’homme; et, deux jours après, j’ai reçu celui-ci, auquel j’ai ajouté de ma main: Voyageant avec sa sœur.


– Eh bien, dit gaiement Eugénie, il ne s’agit plus que de faire nos malles: nous partirons le soir de la signature du contrat, au lieu de partir le soir des noces: voilà tout.


– Réfléchis bien, Eugénie.


– Oh! toutes mes réflexions sont faites; je suis lasse de n’entendre parler que de reports, de fins de mois, de hausse, de baisse, de fonds espagnols, de papier haïtien. Au lieu de cela, Louise, comprends-tu l’air, la liberté, le chant des oiseaux, les plaines de la Lombardie, les canaux de Venise, les palais de Rome, la plage de Naples. Combien possédons-nous, Louise?»


La jeune fille qu’on interrogeait tira d’un secrétaire incrusté un petit portefeuille à serrure qu’elle ouvrit, et dans lequel elle compta vingt-trois billets de banque.


«Vingt-trois mille francs, dit-elle.


– Et pour autant au moins de perles, de diamants et bijoux, dit Eugénie. Nous sommes riches. Avec quarante-cinq mille francs, nous avons de quoi vivre en princesses pendant deux ans ou convenablement pendant quatre.


«Mais avant six mois, toi avec ta musique, moi avec ma voix, nous aurons doublé notre capital. Allons, charge-toi de l’argent, moi, je me charge du coffret aux pierreries; de sorte que si l’une de nous avait le malheur de perdre son trésor, l’autre aurait toujours le sien. Maintenant, la valise: hâtons-nous, la valise!


– Attends, dit Louise, allant écouter à la porte de Mme Danglars.


– Que crains-tu?


– Qu’on ne nous surprenne.


– La porte est fermée.


– Qu’on ne nous dise d’ouvrir.


– Qu’on le dise si l’on veut, nous n’ouvrons pas.


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