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— C’est là, dit le tribun désignant la place de l’ancienne Curie romaine, c’est là-bas que César fut assassiné… Voulez-vous me rendre un très grand service, mon noble Seigneur ? Nul ne vous connaît encore, nul ne sait qui vous êtes, et vous pouvez cheminer en paix comme un simple bourgeois de Sienne. Je veux vous aider de tout mon pouvoir ; encore faut-il pour cela que je sois vivant. Je sais qu’une conspiration se trame contre moi. Je sais que mes ennemis veulent mettre fin à mes jours. Je sais qu’on surveille les messagers que j’envoie hors de Rome. Partez pour Montefiascone, présentez-vous de ma part au cardinal Albornoz, et dites-lui de m’envoyer des troupes, avec la plus grande urgence.

Dans quelle aventure Giannino se trouvait-il, en si peu d’heures, engagé ? Revendiquer le trône de France ! Et à peine était-il Prince prétendant, partir en émissaire du tribun pour lui chercher du secours. Il n’avait dit oui à rien, et à rien ne pouvait dire non.

Le lendemain 5 octobre, après une course de douze heures il parvenait à ce même Montefiascone qu’il avait traversé, médisant si fort de la France et des Français, cinq jours plus tôt. Il parla au cardinal Albornez qui aussitôt décida de marcher sur Rome avec les soldats dont il disposait ; mais il était déjà trop tard. Le mardi 7 octobre, Cola de Rienzi était assassiné.

IV

LE ROI POSTHUME

Et Giovanni di Francia rentra à Sienne, y reprit son commerce de banque et de laines, et pendant deux ans se tint coi. Simplement, il se regardait souvent dans les miroirs. Il ne s’endormait pas sans penser qu’il était le fils de la reine Clémence de Hongrie, le parent des souverains de Naples, l’arrière-petit-fils de Saint Louis. Mais il n’avait pas une immense audace de cœur ; on ne sort pas brusquement de Sienne, à quarante ans, pour crier : « Je suis le roi de France », sans risquer d’être pris pour un fou. L’assassinat de Cola de Rienzi, son protecteur de trois jours, l’avait fait sérieusement réfléchir. Et d’abord, qui serait-il allé trouver ?

Toutefois il n’avait pas gardé la chose si secrète qu’il n’en eût parlé un peu à son épouse Francesca, curieuse comme toutes les femmes, à son ami Guidarelli, curieux comme tous les notaires, et surtout Fra Bartolomeo, de l’ordre des Frères Prêcheurs, curieux comme tous les confesseurs.

Fra Bartolomeo était un moine italien, enthousiaste et bavard, qui se voyait déjà chapelain de roi. Giannino lui avait montré les pièces remises par Rienzi ; il commença d’en parler dans la ville. Et les Siennois bientôt de se chuchoter ce miracle : le légitime roi de France était parmi leurs concitoyens ! On s’attroupait devant le palazzo Tolomei ; quand on venait commander des laines à Giannino, on se courbait très bas ; on était honoré de lui signer une traite ; on se le désignait lorsqu’il marchait dans les petites rues. Les voyageurs de commerce qui avaient été en France assuraient qu’il avait tout à fait le visage des princes de là-bas, blond, les joues larges, les sourcils un peu écartés.

Et voilà les marchands siennois dispersant la nouvelle auprès de leurs correspondants en tous comptoirs italiens d’Europe. Et voilà qu’on découvre que les Frères Jourdain et Antoine, les deux Augustins que chacun croyait morts, tant ils se présentaient dans leurs relations écrites comme vieux ou malades, étaient toujours bien vivants, et même s’apprêtaient à partir pour la Terre sainte. Et voilà que ces deux moines écrivent au Conseil de la République de Sienne, pour confirmer toutes leurs déclarations antérieures ; et même le Frère Jourdain écrit à Giannino, lui parlant des malheurs de la France et l’exhortant à prendre bon courage !

Les malheurs en effet étaient grands. Le roi Jean II, « le faux roi » disaient maintenant les Siennois, avait donné toute la mesure de son génie dans une grande bataille qui s’était livrée à l’ouest de son royaume, du côté de Poitiers. Parce que son père Philippe VI s’était fait battre à Crécy par des troupes de pied, Jean II, le jour de Poitiers, avait décidé de mettre à terre ses chevaliers, mais sans leur laisser ôter leurs armures, et de les faire marcher ainsi contre un ennemi qui les attendait en haut d’une colline. On les avait découpés dans leurs cuirasses comme des homards crus.

Le fils aîné du roi, le dauphin Charles, qui commandait un corps de bataille, s’était éloigné du combat, sur l’ordre de son père assurait-on, mais avec bien de l’empressement à exécuter cet ordre. On racontait aussi que le dauphin avait les mains qui gonflaient et qu’à cause de cela il ne pouvait tenir longtemps une épée. Sa prudence, en tout cas, avait sauvé quelques chevaliers à la France, tandis que Jean II, isolé avec son dernier fils Philippe qui lui criait : « Père, gardez-vous à droite, père, gardez-vous à gauche ! » alors qu’il avait à se garder d’une armée entière, finissait par se rendre à un chevalier picard passé au service des Anglais.

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