Читаем Le Lis et le Lion полностью

Les prophètes brûlés du zèle de Dieu, les meneurs de nations soutenus d’une conviction unique, savent imposer aux foules la contagion de leur foi. L’amour publiquement affirmé possède aussi cette puissance, provoque cette adhésion de tous à l’émotion d’un seul.

Il n’était pas une femme dans l’assistance, et quel que fût son âge, pas une mariée récente, pas une épouse trompée, pas une veuve, pas une pucelle, pas une aïeule, qui ne se sentît en cet instant-là à la place de la nouvelle épousée ; pas un homme qui ne s’identifiât au jeune roi. Édouard III s’unissait à tout ce qu’il y avait de féminin dans son peuple ; et c’était son royaume tout entier qui choisissait Philippa pour compagne. Tous les rêves de la jeunesse, toutes les désillusions de la maturité, tous les regrets de la vieillesse se dirigeaient vers eux comme autant d’offrandes jaillies de chaque cœur. Ce soir, dans les rues sombres, les yeux des fiancés illumineraient la nuit, et même de vieux couples désunis se reprendraient la main après souper.

Si depuis le lointain des temps les peuples se pressent aux mariages des princes, c’est pour vivre ainsi par délégation un bonheur qui, d’être exposé si haut, semble parfait.

— … till death us do part… jusqu’à ce que la mort nous sépare…

Les gorges se nouèrent ; la place exhala un vaste soupir de surprise triste et presque de réprobation. Non, il ne fallait pas parler de mort en cette minute ; il n’était pas possible que ces deux jeunes êtres eussent à subir le sort commun, pas admissible qu’ils fussent mortels.

— … and thereto I plight thee my troth… et pour tout ceci je t’engage ma foi.

Le jeune roi sentait respirer la multitude, mais ne la regardait pas. Ses yeux bleu pâle, presque gris, aux longs cils pour une fois relevés, ne quittaient pas la petite fille roussote et ronde, empaquetée dans ses velours et ses voiles, à laquelle son vœu s’adressait.

Car Madame Philippa ne ressemblait en rien à une princesse de conte, et elle n’était même pas très jolie. Elle présentait les traits grassouillets des Hainaut, un nez court, un cou bref, un visage couvert de taches de son. Elle n’avait pas de grâce particulière dans la tournure, mais au moins elle était simple et ne cherchait pas à affecter une attitude de majesté qui ne lui eût guère convenu. Privée d’ornements royaux, elle eût pu être confondue avec n’importe quelle fille rousse de son âge ; ses semblables se rencontraient par centaines dans toutes les nations du Nord. Et ceci précisément renforçait la tendresse de la foule à son égard. Elle était désignée par le sort et par Dieu, mais non différente, en essence, des femmes sur lesquelles elle allait régner. Toutes les rousses un peu grasses se sentaient promues et honorées.

Émue, elle-même, à en trembler, elle plissait les paupières comme si elle ne pouvait soutenir l’intensité du regard de son époux. Tout ce qui lui advenait était trop beau. Tant de couronnes autour d’elle, tant de mitres, et ces chevaliers et ces dames qu’elle apercevait à l’intérieur de la cathédrale, rangés derrière les cierges comme les élus en Paradis, et tout ce peuple autour… Reine, elle allait être reine, et choisie par amour !

Ah ! combien elle allait le choyer, le servir, l’adorer, ce joli prince blond, aux longs cils, aux mains fines, arrivé par miracle vingt mois auparavant à Valenciennes, accompagnant une mère en exil qui venait quérir aide et refuge ! Leurs parents les avaient envoyés jouer dans le verger, avec les autres enfants ; il s’était épris d’elle, et elle de lui. À présent il était roi et ne l’avait pas oubliée. Avec quel bonheur elle lui vouait sa vie ! Elle craignait seulement de n’être pas assez belle pour lui plaire toujours, ni assez instruite pour le pouvoir bien seconder.

— Offrez, Madame, votre main droite, lui dit l’archevêque-primat.

Aussitôt, Philippa tendit hors de la manche de velours une petite main potelée, et la présenta fermement, paume en avant et doigts ouverts.

Édouard eut un regard émerveillé pour cette étoile rose qui se donnait à lui.

L’archevêque prit, sur un plateau tenu par un second prélat, l’anneau d’or plat, incrusté de rubis, qu’il venait de bénir, et le remit au roi. L’anneau était mouillé, comme tout ce qu’on touchait dans cette brume. Puis l’archevêque, doucement, rapprocha les mains des époux.

— Au nom du Père, prononça Édouard en posant l’anneau, sans l’engager, sur l’extrémité du pouce de Philippa. Au nom du Fils… du Saint-Esprit… dit-il en répétant le geste sur l’index, puis sur le médius.

Enfin il glissa la bague au quatrième doigt en disant :

— Amen !

Elle était sa femme.

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