Читаем Le passager полностью

— Polako, Nono. Ces trucs-là, ça se déguste…

D’un geste, il ordonna à Amar de le resservir. Chaplain avait les larmes aux yeux. À travers cette brume, il voyait la faune du dehors. Un nuage de vapeur émanait de leurs épaules basses, leurs dos voûtés. Il y avait des Noirs, des Beurs, des Bridés, des Indiens, des Slaves… Ils se serraient les coudes, battaient le bitume, attendaient on ne savait quoi.

— Comment font-ils ? demanda-t-il.

— Pour survivre ?

— Pour se payer tes passeports.

Yussef rit :

— T’as vu leur gueule ? Ceux-là, ils m’achètent plutôt des cartes de séjour.

— Ça ne répond pas à ma question : comment font-ils ?

— Ils se cotisent. Ils s’endettent. Ils se démerdent.

Une nausée vague étreignit sa gorge. Il avait participé à ce trafic. Il avait contribué à cet esclavage. Comment avait-il pu descendre aussi bas ? Ses identités ressemblaient à des marches qui ne le menaient jamais vers le haut.

— Je ne t’ai jamais rien dit d’autre ? insista-t-il. Sur mon passé ? Ma manière de vivre ?

— Rien. Tu prenais la commande, tu disparaissais. Quand tu revenais, les papiers étaient faits. Toujours dakako.

— C’est tout ?

— Ce que je peux dire, c’est que toi as changé.

— Dans quel sens ?

Il passa un index sous le revers de sa veste en velours Paul Smith :

— De mieux en mieux sapé. Coiffé. Parfumé. À mon avis, sacré baiseur.

L’occasion était trop belle. Il but sa vodka et joua sa carte.

— Je cherche des filles.

— Des filles ?

— Des pros.

Yussef éclata franchement de rire :

— Et tes réseaux, mon frère ?

— Je ne me rappelle même pas de leurs numéros.

— J’peux présenter toi. Filles du pays. Les meilleures.

— Non. Je veux des filles… du Sud. Du Maghreb.

Yussef parut vexé. Un éclair passa dans ses yeux de reptile. Une lueur qui rappelait la lumière dense et dangereuse de l’alcool entre leurs doigts. Chaplain craignit le pire mais ses commissures se relevèrent et ses yeux cillèrent.

— Va voir Sophie Barak.

— Qui c’est ?

— Y a pas une beurette qui passe pas par elle.

— Où je peux la trouver ?

— Hôtel Theodor. Son QG là-bas, à l’année. Une impasse rue d’Artois. Dis-lui que tu viens de ma part. Je lui vends des papiers pour ses filles.

— Accueillante ?

Yussef lui pinça la joue :

— Avec toi, pas de problème. Elle aime les petits trous-du-cul dans ton genre. Mais faut lui parler fort. Elle est libanaise. Elle est à moitié sourde à cause des bombes de son enfance.

— Et sinon ? Si je veux chasser moi-même ?

Yussef regarda Amar. Pour la première fois, le géant esquissa un sourire.

— Quand on cherche les gazelles, faut aller au point d’eau. Va au Johnny’s, rue Clément-Marot. Tu pourras faire ton marché. On se voit demain. Toi intérêt venir avec la suite. On verra après pour le reste.

— Le reste ?

— Le cargo, glupo. C’est toi qui l’as dit. Odjebaus.

Il lui glissa deux billets de 500 dans sa pochette de veste :

— Fourres-en une à ma santé !

114

— QU’EST-CE QUE C’EST que ces conneries ?

De nouveau, le parloir. De nouveau, Solinas, bloc de rage faisant défiler des images sur son ordinateur portable. Son entrevue avec Janusz, filmée par une caméra de sécurité.

— J’y suis pour rien, fit Anaïs. Je…

— Ta gueule. T’as bien conscience que tu vas plonger ?

— Je te répète que…

Solinas releva ses lunettes sur son crâne. Des muscles jouaient nerveusement sous ses tempes.

— Quand on m’a montré ça, fit-il d’une voix accablée, j’ai cru halluciner. Ce mec est un malade.

— Il est en panique.

— En panique ? (Le flic ricana dans les graves.) Je dirais plutôt que c’est le fils de pute le plus gonflé que j’aie jamais connu. Qu’est-ce qu’il voulait ?

— Identifier un numéro de téléphone.

— C’est tout ?

— Presque. Si je te dis qu’il est innocent et qu’il continue à mener sa propre enquête, je sais ce que tu vas me répondre.

— S’il a rien à se reprocher, il se livre et nous, on fait notre boulot.

Le déjeuner venait de s’achever dans la tripale. Des remugles de bouffe flottaient partout, graissant la peau, saturant les narines. Depuis qu’elle était incarcérée, Anaïs n’avait pas touché à la nourriture. Elle balança un coup d’œil à l’écran d’ordinateur. Janusz lui prenait les mains — il était en train de lui glisser le papier entre les doigts. Manœuvre invisible à l’image.

— Il n’a pas confiance, murmura-t-elle.

— Non ? (Il rabattit l’écran d’un geste.) Moi non plus, j’ai pas confiance. En tout cas, on sait de quel côté tu es.

— Vraiment ?

— On m’avait dit que vous couchiez ensemble. J’y croyais pas. J’avais tort.

— T’es con ou quoi ? Ce type a pris des risques insensés pour…

— C’est bien ce que je dis. Dans mon monde, on ne prend ce genre de risques que pour deux raisons. Soit pour le fric, soit pour la nique.

Anaïs rougit et sourit à la fois. Dans le langage ordurier de Solinas, c’était un compliment.

— Qu’est-ce qu’il t’a dit sur cette fille ?

— Rien.

— Il ne savait pas que c’était une pute ?

— Medina Malaoui ?

— Fichée dans nos services depuis 2008. Volatilisée depuis septembre 2009.

— Vous vous êtes rancardés sur elle ?

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