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– Jonathan, Jonathan, c'est moi Lucie! Comme elle s'enfonçait de plus en plus loin dans cet univers de ténèbres, elle sentit la peur la gagner. Cette interminable descente le long du pas de vis de l'escalier avait fini par la plonger dans un état second, où il lui semblait s'engouffrer de plus en plus profondément à l'intérieur d'elle-même. Elle ressentait maintenant une douleur diffuse dans le ventre, après avoir d'abord éprouvé un brutal assèchement de la gorge, puis un nouage angoissant de son plexus solaire, suivi de vives piqûres à l'estomac. Ses genoux, ses pieds continuaient de fonctionner automatiquement; est-ce qu'ils allaient bientôt se détraquer, est-ce qu'elle aurait mal là aussi, est-ce qu'elle allait s'arrêter de descendre? Des images de son enfance resurgirent. Sa mère autoritaire qui n'arrêtait pas de la culpabiliser, qui commettait mille injustices en faveur de ses frères chouchous… Et son père, un type éteint, qui tremblait devant sa femme, qui passait son temps à fuir les plus petites discussions et qui disait «amen» aux moindres desiderata de la reine mère. Son père, le lâche…

Ces pénibles réminiscences firent place au sentiment d'avoir été injuste avec Jonathan. En fait, elle lui avait reproché tout ce qui pouvait lui rappeler son père. Et c'est justement parce qu'elle le couvrait en permanence de reproches qu'elle l'inhibait,

qu'elle le cassait, le faisant petit à petit ressembler à son père. Ainsi le cycle avait recommencé. Elle avait recréé sans même s'en apercevoir ce qu'elle détestait le plus: le couple de ses parents.

Il fallait rompre le cycle. Elle s'en voulait de toutes les engueulades dont elle avait gratifié son mari. Il fallait réparer. Elle continuait de tourner, de descendre. D'avoir reconnu sa propre culpabilité avait libéré son corps de sa peur et de ses douleurs oppressives. Elle tournait et descendait encore quand elle se heurta presque à une porte. Une porte banale, en partie couverte d'inscriptions qu'elle ne prit pas le temps de lire. Il y avait une poignée, la porte s'ouvrit sans un grincement.

Au-delà, l'escalier se poursuivait. La seule différence notable tenait aux veinules de roche ferreuse qui apparaissaient au milieu de la pierre. Mélangé à des infiltrations d'eau, probablement issue d'une rivière souterraine, le fer prenait des tonalités ocre, rouge.

Elle avait pourtant l'impression d'avoir abordé une nouvelle étape. Et tout à coup, sa torche éclaira des taches de sang à ses pieds. Ce devait être celui de Ouarzazate. Le vaillant petit caniche était donc arrivé jusqu'ici… Il y avait des éclaboussures partout, mais il était difficile de distinguer, sur les parois, les traces de sang de celles de fer rouillé.

Soudain elle décela un bruit. Un crépitement. On aurait dit qu'il y avait des êtres qui marchaient dans sa direction. Les pas étaient nerveux, comme si ces êtres étaient timides, comme s'ils n'osaient pas approcher. Elle s'arrêta pour fouiller l'obscurité du bout de sa torche. Lorsqu'elle vit l'origine du bruit, elle poussa un hurlement inhumain. Mais, là où elle était, personne ne pouvait l'entendre.

Le matin se lève pour toutes les créatures de la Terre. Ils reprennent leur descente. Étage

– 36. 103 683e connaît bien le coin, elle pense qu'on peut sortir sans danger. Les guerrières de roche n'ont pu les suivre jusque-là.

Ils débouchent sur des galeries basses complètement désertes. Par endroits, on voit des trous, à gauche ou à droite, de vieux greniers abandonnés depuis au moins dix hibernations. Le sol est gluant. Il doit y avoir des infiltrations d'humidité. Voilà pourquoi cette zone, considérée comme insalubre, s'est transformée en l'un des quartiers les plus mal famés de Bel-o-kan.

Ça pue.

Le mâle et la femelle ne sont pas très rassurés. Ils perçoivent des présences hostiles, des antennes qui les épient. Le coin doit être bourré d'insectes parasites et squatters.

Ils progressent, mandibules grandes ouvertes, dans les salles et les tunnels lugubres.

Un grincement aigu les fait sursauter tout à coup. Ruich, ruich, ruich… Ces sons ne varient pas de tonalité. Ils s'agencent en une mélopée hypnotique qui résonne dans les cavernes de boue. Selon la soldate, il s'agit de grillons. Ce sont leurs chants d'amour. Les deux sexués ne sont tranquillisés qu'à moitié. Il est quand même incroyable que des grillons parviennent à narguer les troupes fédérales à l'intérieur même de la Cité! 103683e, elle, n'est pas surprise. Une sentence de la dernière Mère ne dit-elle pas: Mieux vaut consolider ses points forts que vouloir tout contrôler? Voilà le résultat… Bruits différents. Comme si on creusait très vite. Les guerrières aux odeurs de roche les ont-elles retrouvés? Non… Deux mains jaillissent devant eux. Leur tranchant forme une sorte de râteau. Les mains agrippent et ramènent la terre en arrière, propulsant un énorme corps noir.

Pourvu que ce ne soit pas une taupe!

Ils se figent tous trois, béant des mandibules.

C'est une taupe.

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