Читаем Les Fourmis полностью

Ainsi fond la fourmi. Tout son corps se transforme en sève effervescente. Elle lance une vapeur de détresse. Mais on ne peut déjà plus rien pour elle. Cela fait partie des impondérables communs à toutes les expéditions longue distance. Il reste juste à signaler «Attention danger» aux abords du piège naturel. Elles reprennent la route odorante en oubliant l'incident. Les phéromones pistes indiquent que c'est par là. Les fourrés traversés, elles continuent vers l'ouest. Toujours à 23° d'angle par rapport aux rayons solaires. Elles se reposent à peine, quand le temps est trop froid ou trop chaud.

Elles doivent faire vite si elles ne veulent pas rentrer en pleine guerre.

Il était déjà arrivé que des exploratrices constatent à leur retour que leur cité était encerclée par des troupes ennemies. Et forcer le blocus n'était jamais une mince affaire.

Ça y est, elles viennent de trouver la phéromone piste qui indique l'entrée de la caverne. Une chaleur monte du sol. Elles s'enfoncent dans les profondeurs de la terre rocailleuse.

Plus elles descendent, plus elles perçoivent le gloussement discret d'une rigole. C'est la source d'eau chaude. Elle fume en dégageant une forte odeur de soufre.

Les fourmis s'abreuvent.

A un moment, elles repèrent un drôle d'animal: on dirait une boule avec des pattes. En fait c'est un scarabée géotrupe en train de pousser une sphère de bouse et de sable à l'intérieur de laquelle il a calfeutré ses œufs. Tel un Atlas de légende, il supporte son "monde". Quand la pente est favorable, la boule roule toute seule et il la poursuit. Dans le cas contraire, il souffle, glisse et doit souvent aller la rechercher en bas. Surprenant de trouver un scarabée par ici. C'est plutôt un animal des zones chaudes…

Les Belokaniennes le laissent passer. De toute façon chair n'est pas très bonne, et sa carapace le rend trop lourd à transporter. Une silhouette noire détale sur leur gauche, pour se cacher dans une anfractuosité de la roche. Un perce-oreille. Ça, par contre, c'est délicieux. La plus vieille exploratrice est la plus rapide. Elle bascule son abdomen sous son cou, se place en position de tir en s'équilibrant avec les pattes arrière, vise d'instinct et décoche de très loin une goutte d'acide formique. Le jus corrosif concentré à plus de 40 pour cent fend l'espace. Touché.

Le perce-oreille est foudroyé en pleine course. De l'acide concentré à 40 pour cent ce n'est pas du petit-lait. Ça pique déjà à 40 pour mille, alors à 40 pour cent, ça dégage! L'insecte s'effondre, et toutes se précipitent pour dévorer ses chairs brûlées. Les exploratrices d'automne ont donné de bonnes phéromones. Le coin paraît giboyeux. La chasse sera bonne. Elles descendent dans un puits artésien et terrorisent toutes sortes d'espèces souterraines jusqu'alors inconnues. Une chauve-souris tente bien de mettre fin à leur visite, mais elles la font fuir en l'embrumant sous un nuage d'acide formique. Les jours suivants, elles continuent de ratisser la caverne chaude, accumulant les dépouilles de petits animaux blancs et les débris de champignons vert clair. Avec leur glande anale elles sèment de nouvelles phéromones pistes qui doivent permettre à leurs sœurs de venir chasser ici sans encombre.

La mission a réussi. Le territoire a poussé un bras jusqu'ici, au-delà des broussailles de l'ouest. Lourdement chargées de victuailles, alors qu'elles vont prendre le chemin du retour, elles déposent le drapeau chimique fédéral. Son parfum claque dans les airs «BEL-OKAN!»

 

– Vous pouvez répéter?

– Wells, je suis le neveu d'Edmond Wells. La porte s'ouvre sur un grand type de près de deux mètres.

– Monsieur Jason Bragel?… Excusez-moi de vous déranger mais j'aimerais parler de mon oncle avec vous. Je ne l'ai pas connu et ma grand-mère m'a appris que vous étiez son meilleur ami.

– Entrez donc… Que voulez-vous savoir sur Edmond?

– Tout. Je ne l'ai pas connu et je le regrette…

– Mmmmh. Je vois. De toute façon, Edmond était le genre de types qui sont des mystères vivants.

– Vous le connaissiez bien?

– Qui peut prétendre connaître qui que ce soit? Disons que nos deux personnes marchaient souvent côte à côte et que ni lui ni moi n'y voyions d'inconvénient.

– Comment vous êtes-vous rencontrés?

– A la faculté de biologie. Moi, je bossais sur les plantes, et lui sur les bactéries.

– Encore deux mondes parallèles.

– Oui, sauf que le mien est quand même plus sauvage, rectifia Jason Bragel en désignant le fouillis de plantes vertes qui envahissait sa salle à manger. Vous les voyez? Elles sont toutes concurrentes, prêtes à s'entretuer pour un trait de lumière ou pour une goutte d'eau. Dès qu'une feuille est à l'ombre, la plante l'abandonne et les feuilles voisines poussent plus largement. Les végétaux, c'est vraiment un monde sans pitié…

– Et les bactéries d'Edmond?

– Lui-même déclarait qu'il ne faisait qu'étudier ses ancêtres. Disons qu'il remontait un peu plus haut que la normale dans son arbre généalogique…

– Pourquoi les bactéries? Pourquoi pas les singes ou les poissons?

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