Son juron s’étrangla dans sa gorge. L’amoncellement tout entier était pris de tremblements dont l’amplitude s’accentuait. Tout en s’évertuant à garder l’équilibre, il leva à nouveau les yeux sur la trappe, juste assez large pour le passage d’un homme. Peut-être pouvait-il en attraper le bord supérieur en sautant. Risqué : s’il se ratait, une chute d’une hauteur de quatre hommes l’attendait, largement de quoi se rompre les os. D’un autre côté, la chute semblait inéluctable, et il ne se voyait pas tout recommencer depuis le début. L’affaissement soudain de l’amas résolut son dilemme. Il eut le réflexe de se projeter vers le haut quand les pierres se dérobèrent sous ses pieds et de lancer les bras dans le cercle éblouissant de la trappe. Ses mains atteignirent l’arête supérieure, anguleuse, mais ne rencontrèrent aucune saillie où s’agripper. Au moment où, épouvanté, il allait sombrer dans la brume poussiéreuse qui submergeait la salle souterraine, une lanière s’enroula autour de son poignet et le maintint en suspension dans les airs.
Il eut une première réaction d’effroi, gigota pendant quelques instants avant de prendre conscience de la stupidité de sa réaction. Quelles que fussent la nature et l’intention de l’être qui l’avait agrippé, il ne fallait pas lui donner l’envie de le relâcher et de l’envoyer s’écraser sur les pierres jonchant le sol de la cave. Il cessa de remuer et, toujours suspendu par un bras, leva les yeux vers l’ouverture. Comme elle était en grande partie obstruée, il ne distingua pas grand-chose, tout au plus une forme allongée et claire qui évoquait une corde de paille de manne ou le tentacule d’une grande éclipte de la rivière Abondance.
La lumière l’aveugla tout à coup et, de manière quasi simultanée, il fut tiré vers le haut. Une de ses épaules heurta durement le bord de la trappe, son pantalon se déchira au niveau du genou, il se cogna encore la cheville avant d’être traîné sur une surface dure jonchée de cailloux. La première sensation qui le frappa, outre les multiples piqûres qui lui criblaient le torse, ce fut la fraîcheur de l’air, une morsure aussi virulente que l’amaya de glace. Puis il entrevit d’innombrables reflets tout autour de lui, comme s’il évoluait à l’intérieur d’une pierre transparente aux multiples facettes.
Il eut besoin d’un peu de temps pour reprendre ses esprits, pour s’apercevoir qu’on avait relâché son bras et que, quelques pas plus loin, on le regardait avec curiosité, sinon avec avidité.
CHAPITRE XXII
CÔNES