Читаем Piège pour Catherine полностью

Je voudrais vous mander d'emmener Marie avec vous. Elle resterait à Carlat avec Dame Sara ! Voyez- vous, j'ai grande confiance dans le seigneur abbé. Je sais qu'avec lui le Bérault d'Apchier et ses soudards seront solidement tenus en laisse s'il faut capituler, qu'il fera ce qu'il faut. Mais... on ne sait jamais ! Et puis... Marie est si jolie. Elle en a vu assez comme ça !

Le grand amour qu'il vouait à sa jeune femme imprégnait chacune de ses phrases timides, mais il aimait tellement sa petite Marie que l'ardeur même de cette dévotion lui faisait un peu honte, comme si lui, l'ancien truand des pavés de Paris, à l'esprit trop agile et aux mains trop habiles, se trouvait indigne d'un sentiment si pur et si haut. Il osait à peine l'exprimer.

— J'emmènerai Marie, décida Catherine qui, venant à lui, l'embrassa fraternellement. Je l'emmènerai si elle accepte de me suivre, ce dont je ne suis pas du tout sûre. Marie vous aime, Josse.

Elle n'acceptera pas facilement de vous abandonner...

— Pour une fois, fit-il avec un sourire confus, j'userai de l'autorité du mari. J'espère qu'elle obéira... surtout si vous aussi vous ordonnez...

Cette suggestion en forme de prière amusa Catherine.

— Je ferai ce que vous voulez, Josse ! Marie me suivra, soyez tranquille !

— Je ne serai tranquille que lorsqu'elle sera hors d'ici.

Quand la nuit tomba, la cloche de l'abbaye sonna en glas pour le repos de l'âme valeureuse de messire Donat de Galauba et des trois autres morts, plus obscurs, tombés comme lui à la défense de Montsalvy.

Puis, quand les dalles de la chapelle du château se furent refermées sur le vieux maître d'armes qui, voici bien des années, avait placé une petite épée de bois entre les mains d'Arnaud enfant, que ceux qui n'étaient pas de garde aux murailles se furent enfermés chez eux pour y prendre quelque repos et y remercier Dieu d'avoir vécu un jour de plus, Catherine et les siens regagnèrent le logis pour s'y préparer au départ.

L'abbé Bernard suivit la châtelaine. L'heure choisie pour le départ étant minuit, les deux amis prirent place, pour cette dernière veillée, devant la cheminée de la grande salle comme cela leur était arrivé si souvent quand le seigneur de Montsalvy était chez lui. Mais ce soir, ils étaient seuls, la châtelaine et l'abbé, assis chacun dans une haute chaire d'ébène, baignés par la chaleur du feu, à la lisière de la grande flaque rougeoyante qui faisait reculer les ombres de l'énorme salle vide... tellement vide et tellement noire dans ses profondeurs que Catherine avait l'impression qu'elle s'en était déjà éloignée.

Un moment, ils gardèrent le silence, chacun d'eux cherchant dans le cœur brûlant des flammes matière à nourrir sa rêverie. Au-dehors, les bruits de la cité, ceux de la guerre aussi, s'étaient tus. On n'entendait que le cri des guetteurs se répondant aux créneaux et, plus lointains, les chants de l'ennemi qui faisait bombance après une expédition de pillage du côté de Junhac qui avait dû être fructueuse. Pour Catherine, c'était une veillée d'armes...

Tout à l'heure, comme tant de fois déjà elle l'avait fait, elle irait revêtir des chausses, des bottes et un justaucorps d'homme. Elle entourerait ses reins d'une épaisse ceinture de cuir à laquelle elle suspendrait une bourse de cuir contenant de l'or... pas beaucoup, peu de bijoux, dont l'émeraude gravée aux armes de Yolande d'Aragon, qui ne quittait jamais sa main. Ne fallait-il pas que l'abbé Bernard, s'il devait négocier, pût remplir le ventre éternellement creux de Bérault le pillard ? Peut-être parviendrait-il, en lui offrant plus qu'il n'espérait, obtenir enfin qu'il déguerpît avec ses vautours ? Toute la richesse du château devait être à la disposition de cette cause-là...

Ce fut la châtelaine qui rompit le silence. Au surplus, il devenait pesant.

— Vous m'avez promis une histoire, dit-elle doucement. Je crois qu'il est temps...

— Nous avons encore deux grandes heures, mais vous avez raison

: il est temps...

Et, comme si son silence n'avait été fait que du choix des mots qu'il allait dire, l'abbé Bernard commença aussitôt :

— Nous sommes, vous le savez depuis longtemps, une "sauveté".

Terre d'asile que bornent quatre croix occitanes tournées vers les quatre points cardinaux, notre terre opposait à la brutalité et à la sauvagerie une barrière de mansuétude et de charité. Chez nous, les victimes des guerres, les pauvres, les vagabonds, les voleurs et tous les malheureux sur qui s'acharnait le sort trouvaient un abri, un réconfort et un répit avant de reprendre un difficile chemin, à moins qu'ils ne choisissent de demeurer. Et nous sommes toujours ce lieu privilégié...

ou nous devrions l'être.

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