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Quand la Sécurité sociale en avait marre ou que Tonton Macoute se foutait en rogne à cause de nos frais de clinique, Annie allait travailler comme monteuse de films, parce que c’était quand même encore du cinéma. J’ai fait vingt métiers les uns plus inaperçus que les autres, je me faisais bien voir. On a eu une petite fille mais on ne la montrait pas tellement : c’était une enfant parfaitement normale, et cela risquait de jeter sur mon pseudo-pseudo et sur ma princesse une ombre de suspicion. Je m’étais mis d’accord avec Tonton Macoute que j’avais seulement trois semaines de clinique par an, et pas un jour de plus. C’était avant le Danemark, avant ma grande crise d’authenticité. Je n’avais donc que trois semaines par an pour m’entraîner, regarder autour de moi, apprendre et me préparer.

J’avais acheté un python et je l’observais attentivement pour mon premier ouvrage documentaire, Gros-Câlin, mais ce salaud-là se fourrait dans des coins impossibles et disparaissait à vue d’œil, parce qu’il ne voulait pas donner naissance à une œuvre littéraire.

En dépit de notre accord quant à ces trois semaines de clinique palan, j’ai pu resquiller dix jours supplémentaires, grâce à mon python, justement. À ce moment-là, je n’avais plus un rond, Annie ne trouvait pas de film à monter, à cause de la crise de l’imagination, et je n’avais aucune envie de me muer en plombier ou éboueur. J’en avais marre de mille ans de sacralisation du travail et chaque fois que je gagnais mon pain à la sueur de mon front, le pain ainsi gagné m’inspirait un tel dégoût que je dégueulais et ne pouvais rien garder sur l’estomac.

Le moment vint enfin où Annie et moi nous nous retrouvâmes à Caniac dans une si belle dèche que j’avais nettement l’impression que la réalité se marrait, se tenait le ventre à force de rire et nous montrait du doigt, comme quoi c’est toujours elle qui a le dernier mot.

On s’est regardé dans le blanc des yeux, Annie et moi. Il fallait bouffer, c’est la loi des espèces, et on n’avait pas un radis.

— Qu’est-ce qu’on va faire ?

— Tu iras habiter chez tes parents.

— Et toi ?

Je me frappai le front. Je ne sais comment m’était venue cette idée. Je crois que c’est le génie de mon grand-père maternel qui se manifestait, et pourtant il n’avait jamais fait de taule de sa vie, tellement il était fort.

— Bon Dieu, le python ! gueulai-je.

Le lendemain, je me promenais avec mon python en laisse dans les rues de Cahors, tranquillement. Gros-Câlin se faufilait sans chercher de crasses à personne, empruntait les passages cloutés, respectait les feux rouges, était parfaitement en règle, quoi. Mais il y avait là un flic qui passait et qu’est-ce qu’il fait ? Il marche sur mon python, délibérément. Exprès, il l’a fait, ce salaud-là. Le pied dessus, dès qu’il a vu que c’était un python, par horreur des marginaux et des non-conformistes. J’objectai.

— Nom de Dieu ! Vous l’avez fait exprès !

Il parut étonné.

— Qu’est-ce que j’ai fait exprès ?

— Vous avez marché sur mon python.

Alors là, il faisait vraiment celui qui ne comprenait plus. C’est comédien, ces mecs-là, c’est pas croyable.

— Quel python ?

— Comment quel python ? Celui-là.

Je montrai Gros-Câlin du doigt.

— Je me promène tranquillement avec mon python en laisse et vous lui marchez dessus, parce qu’il n’est pas de chez nous.

Le flic regardait à mes pieds. Il était devenu tout rouge.

— Il n’y a pas de python ici, dit-il avec une fausse assurance, car c’est traître.

Gros-Câlin faisait semblant de se lécher la bosse que le flic lui avait faite.

— Et ça, qu’est-ce que c’est ? Ce n’est pas un python ?

— Merde, dit le flic, car il avait du langage. Il n’y a pas de python à Cahors. On n’est pas en Afrique, ici.

— C’est ça, les Africains dehors, hein ? Dès que vous avez vu mon python, vous lui avez marché sur la gueule, par racisme.

— Nom de Dieu, dit le flic simplement, car il ne faut pas croire, ils respectent leur patron.

Et qu’est-ce qu’il fait, ce salaud-là ? Il sort un sifflet de sa poche, mais le sifflet n’a pas vu mon python non plus. Il l’a dit à haute et intelligible voix, pour faux témoignage :

— Il n’y a pas de python ici.

Les sifflets ne parlent pas et c’était une provocation policière si grossière que je n’ai fait ni une ni deux. Je ne suis pas un violent mais quand les sifflets se mettent à nier l’existence des pythons à Cahors, c’est un comportement tellement aberrant, avec insinuation de démence à votre égard, qu’il y a de quoi se foutre en rogne.

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