J’ai passé une nuit blanche, Madame: mais cette nuit était délicieuse; le plaisir ranime les forces: la preuve en est que je ne suis pas du tout abattu. Je n’ai été séparé de vous que par l’espace d’une chambre, j’ai été bercé par le souvenir de vous avoir vue endormie devant mes yeux; je respirais le même air que vous, l’air qui recevait des vibrations de voire haleine: que de délices! que de bonheur! Et ce bras nu glissant dessus la couverture, et cette figure enchanteresse plongée dans le sommeil, ce repos, cette tranquillité de l’âme qui se peignait sur vos traits… j’y serais resté jusqu’à votre réveil, si votre époux ne m’avait entraîné hors de la chambre. Aussi je n’ai pas pensé à dor-mir: une seule fois je me sentis la paupiere appesantie, mais cette espèce d’as-souvissement avait ses douceurs: votre image s’y reproduisait sous mille formes immortelles.
De gr âce, apprenez-moi. Madame! pourquoi j’ai été traité d’abord si froidement dans la soirée d’hier? Par quelle faute me suis-je attiré cette espèce de dédain avec lequel vous m’avez alors entendu et répondu? Est-ce ma lettre? Qu’y avez vous trouvé qui pût vous blesser? Non! vous n’avez pas dû donner une fausse interprétation aux expressions des sentiments les plus vrais et les plus purs.
Enseignez-moi à vous peindre les sentimens! pourquoi suis-je à demi muet en votre présence? C’est par le respect que m’impose la vue de l’objet que j’adore