Hier à 7 heures je suis allé à la séance de la société au Château S. Michel. J’y ai trouvé Gretsch. Nous avons parlé (lui et moi, s’entend) des affaires ac-tuelles de la France et de notre patrie. Il m’a raconté plusieurs faits qui se trouvaient dans les journaux libéraux. Entr’autres le vote d’un ultra pour éle-ver les enfants des Protestants dans la religion Romaine. Ont-ils le sens com-mun, ces gens-là? prennent-ils les français pour des votéistes?
Dans la s éance on a élu Bulgarine que j’ai proposé, à l’unanimité; cela a fourni à Gretsch une observation sur les effets de la civilisation et des lumières du siècle; vu qu’un ennemi littéraire propose son ennemi; que ces mêmes en-nemis se chérissent comme des amis véritables, etc.
Izmailoff m ’a demandé des nouvelles de Mme. Je n’ai pas pu lui répondre ne l’ayant pas vue depuis six jours. Gretsch m’a autorisé d’écrire à Mr. Katschénowsky pour lui annoncer l’article méchant et d’une bassesse extrême que Woïeikoff va lancer contre lui dans le Fils de la Patrie. Gretsch m’a prié même de le lui écrire; il a beaucoup bataillé avec Woïeikoff au sujet de cet article, mais comme il n ’a pas le droit de s’opposer à l’insertion de cet article, il laisse faire son cher camerade jusqu’au 1 Janvier 1822, où ils doivent se dé sunir.
Bulgarine va bient ôt lire une diatribe sanglante contre Woïeikoff sous le titre «
Nous sommes partis avec Gretsch vers 9 heures pour aller chez Bulgari-ne. Chemin faisant nous avons parl é de Madame. J’ai parlé avec beaucoup de feu de ses grâces, de son esprit et de ses talents. Gretsch m’a dit que c’est bien dommage qu’elle ne l’entende pas.
Nous n ’avons pas trouvé Bulgarine chez lui; j’ai passé ensuite chez Ja-kowleff et chez Baktine, également sans les avoir trouvé l’un et l’autre.
A dix heures et demi je suis rentr é. J’ai voulu me mettre à écrire et voilà qu’on frappe à ma porte. J’ouvre et je vois entrer Yakowleff; je lui demande des nouvelles de Madame, mais il ne l’a pas vue non plus depuis mardi. Nous nous sommes convenus d’y aller demain (c’est à dire aujourd’hui). Voyons ce qu’elle me dira. Je ne sais pas, mais depuis mardi ce n’est plus pour moi un plaisir d’y aller, c’est une peine. Il me semble que j’y porterai une bien triste mine, mais je tâcherai de me contraindre et de paraître gai, indifférent, autant qu’il me sera possible.
On vient me dire que le Prince m ’invite à venir prendre le thé chez lui. Puis cessons notre journal pour le reprendre demain ou ce soir.