« Mon petit Rémi,
« Je suis bien surprise et bien fâchée de ce que ta lettre m’apprend, car selon ce que mon pauvre Barberin m’avait toujours dit aussi bien après t’avoir trouvé avenue de Breteuil, qu’après avoir causé avec la personne qui te cherchait, je pensais que tes parents étaient dans une bonne et même dans une grande position de fortune.
« Cette idée m’était confirmée par la façon dont tu étais habillé lorsque Barberin t’a apporté à Chavanon, et qui disait bien clairement que les objets que tu portais appartenaient à la layette d’un enfant riche. Tu me demandes de t’expliquer comment étaient les langes dans lesquels tu étais emmailloté ; je peux le faire facilement car j’ai conservé tous ces objets en vue de servir à ta reconnaissance le jour où l’on te réclamerait, ce qui selon moi devait arriver certainement.
« Mais, d’abord, il faut te dire que tu n’avais pas de langes ; si je t’ai parlé quelquefois de langes, c’est par habitude et parce que les enfants de chez nous sont emmaillotés. Toi, tu n’étais pas emmailloté ; au contraire tu étais habillé ; et voici quels étaient les objets qui ont été trouvés sur toi : un bonnet en dentelle, qui n’a de particulier que sa beauté et sa richesse ; une brassière en toile fine garnie d’une petite dentelle à l’encolure et aux bras ; une couche en flanelle, des bas en laine blanche ; des chaussons en tricot blanc, avec des bouffettes de soie ; une longue robe aussi en flanelle blanche, et enfin une grande pelisse à capuchon en cachemire blanc, doublée de soie, et en dessus ornée de belles broderies.
« Tu n’avais pas de couche en toile appartenant à la même layette, parce qu’on t’avait changé chez le commissaire de police où l’on avait remplacé la couche par une serviette ordinaire.
« Enfin, il faut ajouter aussi qu’aucun de ces objets n’était marqué, mais la couche en flanelle et la brassière avait dû l’être, car les coins où se met ordinairement la marque avaient été coupés, ce qui indiquait qu’on avait pris toutes les précautions pour dérouter les recherches.
« Voilà, mon cher Rémi, tout ce que je peux te dire. Si tu crois avoir besoin de ces objets, tu n’as qu’à me l’écrire ; je te les enverrai.
« Ne te désole pas, mon cher enfant, de ne pouvoir pas me donner tous les beaux cadeaux que tu m’avais promis ; ta vache achetée sur ton pain de chaque jour vaut pour moi tous les cadeaux du monde. J’ai du plaisir de te dire qu’elle est toujours en bonne santé ; son lait ne diminue pas, et, grâce à elle, je suis maintenant à mon aise ; je ne la vois pas sans penser à toi et à ton bon petit camarade Mattia.
« Tu me feras plaisir quand tu pourras me donner de tes nouvelles, et j’espère qu’elles seront toujours bonnes : toi si tendre et si affectueux, comment ne serais-tu pas heureux dans ta famille, avec un père, une mère, des frères et des sœurs qui vont t’aimer comme tu mérites de l’être ?
« Adieu, mon cher enfant, je t’embrasse affectueusement.
« Ta mère nourrice,
« Ve
BARBERIN. »