Читаем Sans famille полностью

Après quelques minutes d’entretien, il abandonna l’anglais pour le français, qu’il parlait avec facilité et presque sans accent.

– C’est là le jeune garçon dont vous m’avez entretenu ? dit-il à mon père en me désignant du doigt ; il paraît bien portant.

– Réponds-donc, me dit mon père.

– Vous vous portez bien ? me demanda le gentleman.

– Oui, monsieur.

– Vous n’avez jamais été malade ?

– J’ai eu une fluxion de poitrine.

– Ah ! ah ! et comment cela ?

– Pour avoir couché une nuit dans la neige par un froid terrible ; mon maître, qui était avec moi, est mort de froid ; moi j’ai gagné cette fluxion de poitrine.

– Il y a longtemps ?

– Trois ans.

– Et depuis, vous ne vous êtes pas ressenti de cette maladie ?

– Non.

– Pas de fatigues, pas de lassitudes, pas de sueurs dans la nuit ?

– Non, jamais ; quand je suis fatigué, c’est que j’ai beaucoup marché, mais cela ne me rend pas malade.

– Et vous supportez la fatigue facilement ?

– Il le faut bien.

Il se leva, et vint à moi ; alors il me tâta le bras, puis il posa la main sur mon cœur, enfin il appuya sa tête dans mon dos et sur ma poitrine en me disant de respirer fort, comme si j’avais couru ; il me dit aussi de tousser.

Cela fait, il me regarda en face attentivement assez longtemps, et ce fut à ce moment que j’eus l’idée qu’il devait aimer à mordre, tant son sourire était effrayant.

Sans rien me dire, il reprit sa conversation en anglais avec mon père, puis après quelques minutes ils sortirent tous les deux, non par la porte de la rue, mais par celle de la remise.

Resté seul je me demandai ce que signifiaient les questions de ce gentleman ; voulait-il me prendre à son service ? mais alors il faudrait me séparer de Mattia et de Capi ! et puis j’étais bien décidé à n’être le domestique de personne, pas plus de ce gentleman qui me déplaisait, que d’un autre qui me plairait.

Au bout d’un certain temps, mon père rentra ; il me dit qu’ayant à sortir, il ne m’emploierait pas comme il en avait eu l’intention, et que j’étais libre d’aller me promener si j’en avais envie.

Je n’en avais aucune envie ; mais que faire dans cette triste maison ? Autant se promener que de rester à s’ennuyer.

Comme il pleuvait, j’entrai dans notre voiture pour y prendre ma peau de mouton : quelle fut ma surprise de trouver là Mattia ; j’allais lui adresser la parole ; il mit sa main sur ma bouche, puis à voix basse :

– Va ouvrir la porte de la remise, je sortirai doucement derrière toi, il ne faut pas qu’on sache que j’étais dans la voiture.

Ce fut seulement quand nous fûmes dans la rue que Mattia se décida à parler :

– Sais-tu quel est le monsieur qui était avec ton père tout à l’heure ? me dit-il. M. James Milligan, l’oncle de ton ami Arthur.

Comme je restais immobile au milieu de la rue, il me prit par le bras, et tout en marchant il continua :

– Comme je m’ennuyais à me promener tout seul dans ces tristes rues, par ce triste dimanche, je suis rentré pour dormir et je me suis couché sur mon lit, mais je n’ai pas dormi ; ton père, accompagné d’un gentleman, est entré dans la remise et j’ai entendu leur conversation sans l’écouter : « Solide comme un roc, a dit le gentleman, dix autres seraient morts, il en est quitte pour une fluxion de poitrine ! » – Alors croyant qu’il s’agissait de toi, j’ai écouté, mais la conversation a changé tout de suite de sujet. – « Comment va votre neveu ? demanda ton père. – Mieux, il en échappera encore cette fois, il y a trois mois, tous les médecins le condamnaient ; sa chère mère l’a encore sauvé par ses soins : ah ! c’est une bonne mère que madame Milligan. » – Tu penses si à ce nom j’ai prêté l’oreille. – « Alors si votre neveu va mieux, continua ton père, toutes vos précautions sont inutiles ? – Pour le moment peut-être, répondit le monsieur, mais je ne veux pas admettre qu’Arthur vive, ce serait un miracle, et les miracles ne sont plus de ce monde ; il faut qu’au jour de sa mort, je sois à l’abri de tout retour et que l’unique héritier soit moi, James Milligan. – Soyez tranquille, dit ton père, cela sera ainsi, je vous en réponds. – Je compte sur vous, » dit le gentleman. Et il ajouta quelques mots que je n’ai pas bien compris et que je te traduis à peu près, bien qu’ils paraissent ne pas avoir de sens : « À ce moment nous verrons ce que nous aurons à en faire. » Et il est sorti.

Ma première idée en écoutant ce récit fut de rentrer pour demander à mon père l’adresse de M. Milligan, afin d’avoir des nouvelles d’Arthur et de sa mère, mais je compris presque aussitôt que c’était folie : ce n’était point à un homme qui attendait avec impatience la mort de son neveu qu’il fallait demander des nouvelles de ce neveu. Et puis, d’un autre côté, n’était-il pas imprudent d’avertir M. Milligan qu’on l’avait entendu ?

Arthur était vivant, il allait mieux. Pour le moment il y avait assez de joie pour moi dans cette bonne nouvelle.

XVIII

Les nuits de Noël.

Nous ne parlions plus que d’Arthur, de madame Milligan et de M. James Milligan.

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