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Comme à l’ordinaire, notre premier soin, le lendemain, fut de chercher des endroits propices à nos représentations.

Nous en trouvâmes un grand nombre, car les promenades ne manquent pas à Toulouse, surtout dans la partie de la ville qui avoisine le Jardin des Plantes ; il y a là une belle pelouse ombragée de grands arbres, sur laquelle viennent déboucher plusieurs boulevards qu’on appelle des allées. Ce fut dans une de ces allées que nous nous installâmes, et dès nos premières représentations nous eûmes un public nombreux.

Par malheur, l’homme de police qui avait la garde de cette allée, vit cette installation avec déplaisir, et, soit qu’il n’aimât pas les chiens, soit que nous fussions une cause de dérangement dans son service, soit toute autre raison, il voulut nous faire abandonner notre place.

Peut-être, dans notre position, eût-il été sage de céder à cette tracasserie, car la lutte entre de pauvres saltimbanques tels que nous et des gens de police n’était pas à armes égales, mais mon maître n’en jugea pas ainsi.

Bien qu’il ne fût qu’un montreur de chiens savants pauvre et vieux, – au moins présentement et en apparence, il avait de la fierté ; de plus il avait ce qu’il appelait le sentiment de son droit, c’est-à-dire, ainsi qu’il me l’expliqua, la conviction qu’il devait être protégé tant qu’il ne ferait rien de contraire aux lois ou aux règlements de police.

Il refusa donc d’obéir à l’agent lorsque celui-ci voulut nous expulser de notre allée.

Lorsque mon maître ne voulait pas se laisser emporter par la colère, ou bien lorsqu’il lui prenait fantaisie de se moquer des gens, – ce qui lui arrivait souvent, – il avait pour habitude d’exagérer sa politesse italienne : c’était à croire alors, en entendant ses façons de s’exprimer, qu’il s’adressait à des personnages considérables.

– L’illustrissime représentant de l’autorité, dit-il en répondant chapeau bas à l’agent de police, peut-il me montrer un règlement émanant de ladite autorité, par lequel il serait interdit à d’infimes baladins tels que nous d’exercer leur chétive industrie sur cette place publique ?

L’agent répondit qu’il n’y avait pas à discuter, mais à obéir.

– Assurément, répliqua Vitalis, et c’est bien ainsi que je l’entends ; aussi je vous promets de me conformer à vos ordres aussitôt que vous m’aurez fait savoir en vertu de quels règlements vous les donnez.

Ce jour-là, l’agent de police nous tourna le dos, tandis que mon maître, le chapeau à la main, le bras arrondi et la taille courbée, l’accompagnait en riant silencieusement.

Mais il revint le lendemain et, franchissant les cordes qui formaient l’enceinte de notre théâtre, il se jeta au beau milieu de notre représentation.

– Il faut museler vos chiens, dit-il durement à Vitalis.

– Museler mes chiens !

– Il y a un règlement de police ; vous devez le connaître.

Nous étions en train de jouer le Malade purgé, et comme c’était la première représentation de cette comédie à Toulouse, notre public était plein d’attention.

L’intervention de l’agent provoqua des murmures et des réclamations.

– N’interrompez pas !

– Laissez finir la représentation.

Mais d’un geste Vitalis réclama et obtint le silence.

Alors ôtant son feutre dont les plumes balayèrent le sable tant son salut fut humble, il s’approcha de l’agent en faisant trois profondes révérences.

– L’illustrissime représentant de l’autorité n’a-t-il pas dit que je devais museler mes comédiens ? demanda-t-il.

– Oui, muselez vos chiens et plus vite que ça.

– Museler Capi, Zerbino, Dolce, s’écria Vitalis s’adressant bien plus au public qu’à l’agent, mais votre seigneurie n’y pense pas ! Comment le savant médecin Capi, connu de l’univers entier, pourra-t-il ordonner ses médicaments purgatifs pour expulser la bile de l’infortuné M. Joli-Cœur, si ledit Capi porte au bout de son nez une muselière ? encore si c’était un autre instrument mieux approprié à sa profession de médecin, et qui celui-là ne se met point au nez des gens.

Sur ce mot, il y eut une explosion de rires et l’on entendit les voix cristallines des enfants se mêler aux voix gutturales des parents.

Vitalis encouragé par ces applaudissements, continua :

– Et comment la charmante Dolce, notre garde-malade, pourra-t-elle user de son éloquence et de ses charmes pour décider notre malade à se laisser balayer et nettoyer les entrailles, si, au bout de son nez elle porte l’instrument que l’illustre représentant de l’autorité veut lui imposer ? Je le demande à l’honorable société et la prie respectueusement de prononcer entre nous.

L’honorable société appelée ainsi à se prononcer, ne répondit pas directement, mais ses rires parlaient pour elle : on approuvait Vitalis, on se moquait de l’agent, et surtout on s’amusait des grimaces de Joli-Cœur, qui, s’étant placé derrière « l’illustrissime représentant de l’autorité », faisait des grimaces dans le dos de celui-ci, croisant ses bras comme lui, se campant le poing sur la hanche et rejetant sa tête en arrière avec des mines et des contorsions tout à fait réjouissantes.

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