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– Je ne connais pas la route, dit-il en répondant à l’interrogation de mon regard, et je ne sais pas si d’ici Troyes nous trouverons une auberge où manger. De plus, je ne connais pas non plus cette forêt. Je sais seulement que ce pays est très-boisé, et que d’immenses forêts se joignent les unes aux autres : les forêts de Chaource, de Rumilly, d’Othe, d’Aumont. Peut-être sommes-nous à plusieurs lieues d’une habitation ? Peut-être aussi allons-nous rester bloqués longtemps dans cette cabane ? Il faut garder des provisions pour notre dîner.

C’était là des raisons que je devais comprendre, mais elles ne touchèrent point les chiens qui voyant serrer la miche dans le sac, alors qu’ils avaient à peine mangé, tendirent la patte à leur maître, lui grattèrent les genoux, et se livrèrent à une pantomime expressive pour faire ouvrir le sac sur lequel ils dardaient leurs yeux suppliants.

Prières et caresses furent inutiles, le sac ne s’ouvrit point.

Cependant, si frugal qu’eût été ce léger repas, il nous avait réconfortés ; nous étions à l’abri, le feu nous pénétrait d’une douce chaleur ; nous pouvions attendre que la neige cessât de tomber.

Rester dans cette cabane n’avait rien de bien effrayant pour moi, d’autant mieux que je n’admettais pas que nous dussions y rester bloqués longtemps, comme Vitalis l’avait dit, pour justifier son économie ; la neige ne tomberait pas toujours.

Il est vrai que rien n’annonçait qu’elle dût cesser bientôt.

Par l’ouverture de notre hutte nous apercevions les flocons descendre rapides et serrés ; comme il ne ventait plus, ils tombaient droit, les uns par-dessus les autres, sans interruption.

On ne voyait pas le ciel, et la clarté, au lieu de descendre d’en haut, montait d’en bas, de la nappe éblouissante qui couvrait la terre.

Les chiens avaient pris leur parti de cette halte forcée, et s’étant tous les trois installés devant le feu, celui-ci couché en rond, celui-là étalé sur le flanc, Capi le nez dans les cendres, ils dormaient.

L’idée me vint de faire comme eux ; je m’étais levé de bonne heure, et il serait plus agréable de voyager dans le pays des rêves, peut-être sur le Cygne, que de regarder cette neige.

Je ne sais combien je dormis de temps ; quand je m’éveillai la neige avait cessé de tomber, je regardai au dehors ; la couche qui s’était entassée devant notre hutte avait considérablement augmenté ; s’il fallait se remettre en route, j’en aurais plus haut que les genoux.

Quelle heure était-il ?

Je ne pouvais pas le demander au maître, car en ces derniers mois les recettes médiocres n’avaient pas remplacé l’argent que la prison et son procès lui avaient coûté, si bien qu’à Dijon, pour acheter ma peau de mouton et différents objets pour lui et pour moi, il avait dû vendre sa montre, la grosse montre en argent sur laquelle j’avais vu Capi dire l’heure, quand Vitalis m’avait engagé dans la troupe.

C’était au jour de m’apprendre ce que je ne pouvais plus demander à notre bonne grosse montre.

Mais rien au dehors ne pouvait me répondre : en bas, sur le sol, une ligne blanche éblouissante : au-dessus et dans l’air un brouillard sombre ; au ciel une lueur confuse, avec ça et là des teintes d’un jaune sale.

Rien de tout cela n’indiquait à quelle heure de la journée nous étions.

Les oreilles n’en apprenaient pas plus que les yeux, car il s’était établi un silence absolu que ne venait troubler ni un cri d’oiseau, ni un coup de fouet, ni un roulement de voiture ; jamais nuit n’avait été plus silencieuse que cette journée.

Avec cela régnait autour de nous une immobilité complète ; la neige avait arrêté tout mouvement, tout pétrifié ; de temps en temps seulement, après un petit bruit étouffé, à peine perceptible, on voyait une branche de sapin se balancer lourdement ; sous le poids qui la chargeait, elle s’était peu à peu inclinée vers la terre, et quand l’inclinaison avait été trop raide, la neige avait glissé jusqu’en bas ; alors la branche s’était brusquement redressée, et son feuillage d’un vert noir tranchait sur le linceul blanc qui enveloppait les autres arbres depuis la cime jusqu’aux pieds, de sorte que lorsqu’on regardait de loin on croyait voir un trou sombre s’ouvrir çà et là dans ce linceul.

Comme je restais dans l’embrasure de la porte, émerveillé devant ce spectacle, je m’entendis interpeller par mon maître.

– As-tu donc envie de te remettre en route ? me dit-il.

– Je ne sais pas ; je n’ai aucune envie ; je ferai ce que vous voudrez que nous fassions.

– Eh bien, mon avis est de rester ici, où nous avons au moins un abri et du feu.

Je pensai que nous n’avions guère de pain, mais je gardai ma réflexion pour moi.

– Je crois que la neige va reprendre bientôt, poursuivit Vitalis, il ne faut pas nous exposer sur la route sans savoir à quelle distance nous sommes des habitations ; la nuit ne serait pas douce au milieu de cette neige ; mieux vaut encore la passer ici ; au moins nous aurons les pieds secs.

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