Читаем Sans famille полностью

– Ça c’est quelque chose ; mais va chez le boulanger et demande-lui du pain en échange de ton morceau de bois, t’en donnera-t-il ? Combien te manque-t-il de sous ; voyons, parle donc.

– J’ai fait trente-six sous.

– Il te manque quatre sous, misérable gredin, quatre sous ! et tu reparais devant moi ! Riccardo, tu es un heureux coquin, mon mignon, tu vas bien t’amuser : bas la veste !

– Mais, le morceau de bois ?

– Je te le donne pour dîner.

Cette stupide plaisanterie fit rire tous les enfants qui n’étaient pas condamnés.

Pendant cet interrogatoire il était survenu une dizaine d’enfants. Tous vinrent, à tour de rôle, rendre leurs comptes ; avec deux déjà condamnés aux lanières, il s’en trouva trois autres qui n’avaient point leur chiffre.

– Ils sont donc cinq brigands qui me volent et me pillent ! s’écria Garofoli d’une voix gémissante ; voilà ce que c’est d’être trop généreux ; comment voulez-vous que je paye la bonne viande et les bonnes pommes de terre que je vous donne, si vous ne voulez pas travailler ? Vous aimez mieux jouer ; il faudrait pleurer avec les jobards, et vous aimez mieux rire entre vous ; croyez-vous donc qu’il ne vaut pas mieux faire semblant de pleurer en tendant la main, que de pleurer pour de bon en tendant le dos. Allons, à bas les vestes !

Riccardo se tenait le fouet à la main et les cinq patients étaient rangés à côté de lui.

– Tu sais, Riccardo, dit Garofoli, que je ne te regarde pas parce que ces corrections me font mal, mais je t’entends, et au bruit je jugerai bien la force des coups : vas-y de tout cœur, mon mignon, c’est pour ton pain que tu travailles.

Et il se tourna le nez vers le feu, comme s’il lui était impossible de voir cette exécution. Pour moi, oublié dans un coin, je frémissais d’indignation et aussi de peur. C’était l’homme qui allait devenir mon maître ; si je ne rapportais pas les trente ou les quarante sous qu’il lui plairait d’exiger de moi, il me faudrait tendre le dos à Riccardo. Ah ! je comprenais maintenant comment Mattia pouvait parler de la mort si tranquillement et avec un sentiment d’espérance.

Le premier claquement du fouet frappant sur la peau me fit jaillir les larmes des yeux. Comme je me croyais oublié, je ne me contraignis point, mais, je me trompais. Garofoli m’observait à la dérobée ; j’en eus bientôt la preuve.

– Voilà un enfant qui a bon cœur, dit-il en me désignant du doigt ; il n’est pas comme vous, brigands, qui riez du malheur de vos camarades et de mon chagrin ; que n’est-il de vos camarades ; il vous servirait d’exemple !

Ce mot me fit trembler de la tête aux pieds : leur camarade !

Au deuxième coup de fouet le patient poussa un gémissement lamentable, au troisième un cri déchirant.

Garofoli leva la main, Riccardo resta le fouet suspendu.

Je crus qu’il voulait faire grâce ; mais ce n’était pas de grâce qu’il s’agissait.

– Tu sais combien les cris me font mal, dit doucement Garofoli en s’adressant à sa victime, tu sais que si le fouet te déchire la peau, tes cris me déchirent le cœur ; je te préviens donc que pour chaque cri, tu auras un nouveau coup de fouet : et ce sera ta faute ; pense à ne pas me rendre malade de chagrin ; si tu avais un peu de tendresse pour moi, un peu de reconnaissance, tu te tairais : Allons, Riccardo !

Celui-ci leva le bras et les lanières cinglèrent le dos du malheureux.

– Mamma ! mamma ! cria celui-ci. Heureusement je n’en vis point davantage, la porte de l’escalier s’ouvrit et Vitalis entra.

Un coup d’œil lui fit comprendre ce que les cris qu’il avait entendus en montant l’escalier lui avaient déjà dénoncé, il courut sur Riccardo et lui arracha le fouet de la main ; puis se retournant vivement vers Garofoli, il se posa devant lui les bras croisés.

Tout cela s’était passé si rapidement, que Garofoli resta un moment stupéfait, mais bientôt se remettant et reprenant son sourire doucereux :

– N’est-ce pas, dit-il, que c’est terrible ; cet enfant n’a pas de cœur.

– C’est une honte ! s’écria Vitalis.

– Voilà justement ce que je dis, interrompit Garofoli.

– Pas de grimaces, continua mon maître avec force, vous savez bien que ce n’est pas à cet enfant que je parle, mais à vous ; oui, c’est une honte, une lâcheté de martyriser ainsi des enfants qui ne peuvent pas se défendre.

– De quoi vous mêlez-vous, vieux fou ? dit Garofoli changeant de ton.

– De ce qui regarde la police.

– La police, s’écria Garofoli en se levant, vous me menacez de la police, vous ?

– Oui, moi, répondit mon maître sans se laisser intimider par la fureur du padrone.

– Écoutez, Vitalis, dit celui-ci en se calmant et en prenant un ton moqueur, il ne faut pas faire le méchant, et me menacer de causer, parie que, de mon côté, je pourrais bien causer aussi. Et alors qui est-ce qui ne serait pas content ? Bien sûr je n’irai rien dire à la police, vos affaires ne la regardent pas. Mais il y en a d’autres qu’elles intéressent, et si j’allais répéter à ceux-là ce que je sais, si je disais seulement un nom, un seul nom, qui est-ce qui serait obligé d’aller cacher sa honte ?

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