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Eut-il conscience de son état ? Je ne l’ai jamais su. Mais au moment où ayant ramené la paille sur moi, je me serrais contre lui, je sentis qu’il se penchait sur mon visage et qu’il m’embrassait. C’était la seconde fois ; ce fut, hélas ! la dernière.

Un petit froid empêche le sommeil chez les gens qui se mettent au lit en tremblant, un grand froid prolongé frappe d’engourdissement et de stupeur ceux qu’il saisit en plein air. Ce fut là notre cas.

À peine m’étais-je blotti contre Vitalis que je fus anéanti et que mes yeux se fermèrent. Je fis effort pour les ouvrir, et, comme je n’y parvenais pas, je me pinçai le bras fortement ; mais ma peau était insensible, et ce fut à peine si, malgré toute la bonne volonté que j’y mettais, je pus me faire un peu de mal. Cependant la secousse me rendit jusqu’à un certain point la conscience de la vie. Vitalis, le dos appuyé contre la porte, haletait péniblement, par des saccades courtes et rapides. Dans mes jambes, appuyé contre ma poitrine, Capi dormait déjà. Au-dessus de notre tête, le vent soufflait toujours et nous couvrait de brins de paille qui tombaient sur nous comme des feuilles sèches qui se seraient détachées d’un arbre. Dans la rue, personne, près de nous, au loin, tout autour de nous, un silence de mort.

Ce silence me fit peur ; peur de quoi ? je ne m’en rendis pas compte ; mais une peur vague, mêlée d’une tristesse qui m’emplit les yeux de larmes. Il me sembla que j’allais mourir là.

Et la pensée de la mort me reporta à Chavanon. Pauvre maman Barberin ! mourir sans la revoir, sans revoir notre maison, mon jardinet. Et, par je ne sais quelle extravagance d’imagination, je me retrouvai dans ce jardinet : le soleil brillait, gai et chaud ; les jonquilles ouvraient leurs fleurs d’or, les merles chantaient dans les buissons, et, sur la haie d’épine, mère Barberin étendait le linge qu’elle venait de laver au ruisseau qui chantait sur les cailloux.

Brusquement mon esprit quitta Chavanon, pour rejoindre le Cygne : Arthur dormait dans son lit ; madame Milligan était éveillée et comme elle entendait le vent souffler elle se demandait où j’étais par ce grand froid.

Puis mes yeux se fermèrent de nouveau, mon cœur s’engourdit, il me sembla que je m’évanouissais.

XIX

Lise.

Quand je me réveillai j’étais dans un lit ; la flamme d’un grand feu éclairait la chambre où j’étais couché.

Je regardai autour de moi.

Je ne connaissais pas cette chambre.

Je ne connaissais pas non plus les figures qui m’entouraient : un homme en veste grise et en sabots jaunes ; trois ou quatre enfants dont une petite fille de cinq ou six ans qui fixait sur moi des yeux étonnés ; ces yeux étaient étranges, ils parlaient.

Je me soulevai.

On s’empressa autour de moi.

– Vitalis ? dis-je.

– Il demande son père, dit une jeune fille qui paraissait l’aînée des enfants.

– Ce n’est pas mon père, c’est mon maître ; où est-il ? Où est Capi ?

Vitalis eût été mon père, on eût pris sans doute des ménagements pour me parler de lui ; mais comme il n’était que mon maître, on jugea qu’il n’y avait qu’à me dire simplement la vérité, et voici ce qu’on m’apprit.

La porte dans l’embrasure de laquelle nous nous étions blottis était celle d’un jardinier. Vers deux heures du matin, ce jardinier avait ouvert cette porte pour aller au marché, et il nous avait trouvés couchés sous notre couverture de paille. On avait commencé par nous dire de nous lever, afin de laisser passer la voiture ; puis, comme nous ne bougions ni l’un ni l’autre, et que Capi seul répondait en aboyant pour nous défendre, on nous avait pris par le bras pour nous secouer. Nous n’avions pas bougé davantage. Alors on avait pensé qu’il se passait quelque chose de grave. On avait apporté une lanterne : le résultat de l’examen avait été que Vitalis était mort, mort de froid, et que je ne valais pas beaucoup mieux que lui. Cependant, comme grâce à Capi couché sur ma poitrine, j’avais conservé un peu de chaleur au cœur, j’avais résisté et je respirais encore. On m’avait alors porté dans la maison du jardinier et l’on m’avait couché dans le lit d’un des enfants qu’on avait fait lever. J’étais resté là six heures, à peu près mort ; puis la circulation du sang s’était rétablie, la respiration avait repris de la force, et je venais de m’éveiller.

Si engourdi, si paralysé que je fusse de corps et d’intelligence, je me trouvai cependant assez éveillé pour comprendre dans toute leur étendue les paroles que je venais d’entendre. Vitalis mort !

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