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Comment choisir notre vache avec la certitude qu’elle aurait réellement toutes les qualités dont nous nous plaisions à la parer ? Cela était grave. Quelle responsabilité ! Je ne savais pas à quels signes on reconnaît une bonne vache, et Mattia était aussi ignorant que moi.

Ce qui redoublait notre inquiétude c’étaient les histoires étonnantes dont nous avions entendu le récit dans les auberges, depuis que nous nous étions mis en tête la belle idée d’acheter une vache. Qui dit maquignon de chevaux ou de vaches, dit artisan de ruses et de tromperies. Combien de ces histoires nous étaient restées dans la mémoire pour nous effrayer : un paysan achète à la foire une vache qui a la plus belle queue que jamais vache ait eue, avec une pareille queue elle pourra s’émoucher jusqu’au bout du nez, ce qui, tout le monde le sait, est un grand avantage ; il rentre chez lui triomphant, car il n’a pas payé cher cette vache extraordinaire ; le lendemain matin il va la voir, elle n’a plus de queue du tout ; celle qui pendait derrière elle si noblement avait été collée à un moignon ; c’était un chignon, une queue postiche. Un autre en achète une qui a des cornes fausses ; un autre quand il veut traire sa vache s’aperçoit qu’elle a eu la mamelle soufflée et qu’elle ne donnera pas deux verres de lait en vingt-quatre heures. Il ne faut pas que pareilles mésaventures nous arrivent.

Pour la fausse queue, Mattia ne craint rien ; il se suspendra de tout son poids à la queue de toutes les vaches dont nous aurons envie, et il tirera si fort sur ces queues que si elles sont collées elles se détacheront. Pour les mamelles soufflées, il a aussi un moyen tout aussi sûr, qui est de les piquer avec une grosse et longue épingle.

Sans doute cela serait infaillible, surtout si la queue était fausse et si la mamelle était soufflée ; mais si sa queue était vraie, ne serait-il pas à craindre qu’elle envoyât un bon coup de pied dans le ventre ou dans la tête de celui qui tirerait dessus ; et n’agirait-elle pas encore de même sous une piqûre s’enfonçant dans sa chair ?

L’idée de recevoir un coup de pied calme l’imagination de Mattia, et nous restons livrés à nos incertitudes : ce serait vraiment terrible d’offrir à mère Barberin une vache qui ne donnerait pas de lait ou qui n’aurait pas de cornes.

Dans les histoires qui nous avaient été contées, il y en avait une dans laquelle un vétérinaire jouait un rôle terrible, au moins à l’égard du marchand de vaches. Si nous prenions un vétérinaire pour nous aider, sans doute cela nous serait une dépense, mais combien elle nous rassurerait.

Au milieu de notre embarras, nous nous arrêtâmes à ce parti, qui, sous tous les rapports, paraissait le plus sage, et nous continuâmes alors gaiement notre route.

La distance n’est pas longue du Mont-Dore à Ussel ; nous mîmes deux jours à faire la route, encore arrivâmes-nous de bonne heure à Ussel.

J’étais là dans mon pays pour ainsi dire : c’était à Ussel que j’avais paru pour la première fois en public dans le Domestique de M. Joli-Cœur, ou le Plus bête des deux n’est pas celui qu’on pense, et c’était à Ussel aussi que Vitalis m’avait acheté ma première paire de souliers, ces souliers à clous qui m’avaient rendu si heureux.

Pauvre Joli-Cœur, il n’était plus là avec son bel habit rouge de général anglais, et Zerbino avec la gentille Dolce manquaient aussi.

Pauvre Vitalis, je l’avais perdu et je ne le reverrais plus marchant la tête haute, la poitrine cambrée, marquant le pas des deux bras et des deux pieds en jouant une valse sur son fifre perçant.

Sur six que nous étions alors deux seulement restaient debout : Capi et moi ; cela rendit mon entrée à Ussel toute mélancolique ; malgré moi je m’imaginais que j’allais apercevoir le feutre de Vitalis au coin de chaque rue et que j’allais entendre l’appel qui tant de fois avait retenti à mes oreilles : « En avant ! »

La boutique du fripier où Vitalis m’avait conduit pour m’habiller en artiste vint heureusement chasser ces tristes pensées : je la retrouvai telle que je l’avais vue lorsque j’avais descendu ses trois marches glissantes. À la porte se balançait le même habit galonné sur les coutures, qui m’avait ravi d’admiration, et dans la montre je retrouvai les mêmes vieux fusils avec les mêmes vieilles lampes.

Je voulus aussi montrer la place où j’avais débuté, en jouant le rôle du domestique de M. Joli-Cœur, c’est-à-dire le plus bête des deux : Capi se reconnut et frétilla de la queue.

Après avoir déposé nos sacs et nos instruments à l’auberge où j’avais logé avec Vitalis, nous nous mîmes à la recherche d’un vétérinaire.

Quand celui-ci eut entendu notre demande il commença par nous rire au nez.

— Mais il n’y a pas de vaches savantes dans le pays, dit-il.

— Ce n’est pas une vache qui sache faire des tours qu’il nous faut, c’en est une qui donne du bon lait.

— Et qui ait une vraie queue, ajouta Mattia, que l’idée d’une queue collée tourmentait beaucoup.

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