Читаем Sans famille полностью

Nous eûmes fini de jouer avant que la vache eût fini de paître, et quand elle nous vit venir à elle, elle se mit à tondre l’herbe à grands coups de langue, comme pour nous dire qu’elle avait encore faim.

— Attendons un peu, dit Mattia.

— Tu ne sais donc pas qu’une vache mange toute la journée ?

— Un tout petit peu.

Tout en attendant, nous reprîmes nos sacs et nos instruments.

— Si je lui jouais un petit air de cornet à piston ? dit Mattia qui restait difficilement en repos ; nous avions une vache dans le cirque Gassot, et elle aimait la musique.

Et sans en demander davantage, Mattia se mit à jouer une fanfare de parade.

Aux premières notes, notre vache leva la tête ; puis tout à coup, avant que j’eusse pu me jeter à ses cornes pour prendre sa longe, elle partit au galop.

Et aussitôt nous partîmes après elle, galopant aussi de toutes nos forces en l’appelant.

Je criai à Capi de l’arrêter, mais on ne peut pas avoir tous les talents : un chien de conducteur de bestiaux eût sauté au nez de notre vache ; Capi, qui était un savant, lui sauta aux jambes.

Bien entendu cela ne l’arrêta pas, tout au contraire, et nous continuâmes notre course, elle en avant, nous en arrière.

Tout en courant j’appelais Mattia : « Stupide bête » ; et lui, sans s’arrêter, me criait d’une voix haletante : « Tu cogneras, je l’ai mérité. »

C’était deux kilomètres environ avant d’arriver à un gros village que nous nous étions arrêtés pour manger, et c’était vers ce village que notre vache galopait. Elle entra dans ce village naturellement avant nous, et comme la route était droite, nous pûmes voir, malgré la distance, que des gens lui barraient le passage et s’emparaient d’elle.

Alors nous ralentîmes un peu notre course : notre vache ne serait pas perdue ; nous n’aurions qu’à la réclamer aux braves gens qui l’avaient arrêtée, et ils nous la rendraient.

À mesure que nous avancions, le nombre des gens augmentait autour de notre vache, et quand nous arrivâmes enfin près d’elle, il y avait là une vingtaine d’hommes, de femmes ou d’enfants qui discutaient en nous regardant venir.

Je m’étais imaginé que je n’avais qu’à réclamer ma vache, mais au lieu de me la donner, on nous entoura et l’on nous posa question sur question : « D’où venions-nous, où avions-nous eu cette vache ? »

Nos réponses étaient aussi simples que faciles ; cependant elles ne persuadèrent pas ces gens, et deux ou trois voix s’élevèrent pour dire que nous avions volé cette vache qui nous avait échappé, et qu’il fallait nous mettre en prison en attendant que l’affaire s’éclaircît.

L’horrible frayeur que le mot de prison m’inspirait me troubla et nous perdit : je pâlis, je balbutiai, et comme notre course avait rendu ma respiration haletante, je fus incapable de me défendre.

Sur ces entrefaites, un gendarme arriva ; en quelques mots on lui conta notre affaire, et comme elle ne lui parut pas nette, il déclara qu’il allait mettre notre vache en fourrière et nous en prison : on verrait plus tard.

Je voulus protester, Mattia voulut parler, le gendarme nous imposa durement silence ; et me rappelant la scène de Vitalis avec l’agent de police de Toulouse, je dis à Mattia de se taire et de suivre monsieur le gendarme.

Tout le village nous fit cortège jusqu’à la mairie où se trouvait la prison : on nous entourait, on nous pressait, on nous poussait, on nous bourrait, on nous injuriait, et je crois bien que sans le gendarme, qui nous protégeait, on nous aurait lapidés comme si nous étions de grands coupables, des assassins ou des incendiaires. Et cependant nous n’avions commis aucun crime. Mais les foules sont souvent ainsi, elles ont un plaisir sauvage à se ruer sur les malheureux, sans savoir ce qu’ils ont fait, s’ils sont coupables ou innocents.

En arrivant à la prison, j’eus un moment d’espérance : le gardien de la mairie qui était aussi geôlier et garde champêtre, ne voulut pas tout d’abord nous recevoir. Je me dis que c’était là un brave homme. Mais le gendarme insista, et le geôlier céda ; passant devant nous, il ouvrit une porte qui fermait en dehors avec une grosse serrure et deux verrous : je vis alors pourquoi il avait fait difficulté pour nous recevoir tout d’abord : c’était parce qu’il avait mis sa provision d’oignons sécher dans la prison, en les étalant sur le plancher. On nous fouilla ; on nous prit notre argent, nos couteaux, nos allumettes, et pendant ce temps, le geôlier amassa vivement tous ses oignons dans un coin. Alors on nous laissa et la porte se referma sur nous avec un bruit de ferraille vraiment tragique.

Nous étions en prison. Pour combien de temps ?

Comme je me posais cette question, Mattia vint se mettre devant moi et baissant la tête :

— Cogne, dit-il, cogne sur la tête, tu ne frapperas jamais assez fort pour ma bêtise.

— Tu as fait la bêtise, et j’ai laissé la faire, j’ai été aussi bête que toi.

— J’aimerais mieux que tu cognes, j’aurais moins de chagrin : notre pauvre vache, la vache du prince !

Et il se mit à pleurer.

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