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Il paraissait aussi heureux de mon témoignage d’affection que je l’étais moi-même du sien ; nous nous comprenions, nous nous aimions.

Pour moi, c’était un soutien, et pour lui, j’en suis sûr, c’en était un aussi : le cœur d’un chien n’est pas moins sensible que celui d’un enfant.

Ces caresses consolaient si bien Capi, qu’elles lui faisaient, je crois, oublier quelquefois la mort de ses camarades ; la force de l’habitude reprenait le dessus, et tout à coup il s’arrêtait sur la route pour voir venir sa troupe, comme au temps où il en était le caporal, et où il devait fréquemment la passer en revue. Mais cela ne durait que quelques secondes ; la mémoire se réveillait en lui, et se rappelant brusquement pourquoi cette troupe ne venait pas, il nous dépassait rapidement, et regardait Vitalis en le prenant à témoin qu’il n’était pas en faute ; si Dolce, si Zerbino ne venaient pas, c’était qu’ils ne devaient plus venir. Il faisait cela avec des yeux si expressifs, si parlants, si pleins d’intelligence, que nous en avions le cœur serré.

Cela n’était pas de nature à égayer notre route, et cependant nous aurions eu bien besoin de distraction, moi au moins.

Partout sur la campagne s’étalait le blanc linceul de la neige ; point de soleil au ciel, mais un jour fauve et pâle ; point de mouvement dans les champs, point de paysans au travail ; point de hennissements de chevaux, point de beuglements de bœufs ; mais seulement le croassement des corneilles qui, perchées au plus haut des branches dénudées criaient la faim sans trouver sur la terre une place où descendre pour chercher quelques vers ; dans les villages point de maisons ouvertes, mais le silence et la solitude ; le froid est âpre, on reste au coin de l’âtre, ou bien l’on travaille dans les étables et les granges fermées.

Et nous sur la route raboteuse ou glissante nous allons droit devant nous, sans nous arrêter, et sans autre repos que le sommeil de la nuit dans une écurie ou dans une bergerie ; avec un morceau de pain bien mince, hélas ! pour notre repas du soir qui est à la fois notre dîner et notre souper : quand nous avons la bonne chance d’être envoyés à la bergerie nous nous trouvons heureux, la chaleur des moutons nous défendra contre le froid ; et puis c’est la saison où les brebis allaitent leurs agneaux et les bergers me permettent quelquefois de téter une brebis qui a beaucoup de lait : nous ne disons pas que nous mourons presque de faim, mais Vitalis, avec son adresse ordinaire, sait insinuer « que le petit aime beaucoup le lait de brebis, parce que dans son enfance il a été habitué à en boire, de sorte que ça lui rappelle son pays. » Cette fable ne réussit pas toujours. Mais c’est une bonne soirée quand elle est bien accueillie. Assurément oui, j’aime beaucoup le lait de brebis, et quand j’en ai bu je me sens le lendemain plus dispos et plus fort.

Les kilomètres s’ajoutèrent aux kilomètres, les étapes aux étapes ; nous approchâmes de Paris et quand même les bornes plantées le long de la route ne m’en auraient pas averti, je m’en serais aperçu à la circulation qui était devenue plus active, et aussi à la couleur de la neige couvrant le chemin qui était beaucoup plus sale que dans les plaines de la Champagne.

Chose étonnante, au moins pour moi, la campagne ne me parut pas plus belle, les villages ne furent pas autres que ceux que nous avions traversés quelques jours auparavant. J’avais tant de fois entendu parler des merveilles de Paris, que je m’étais naïvement figuré que ces merveilles devaient s’annoncer au loin par quelque chose d’extraordinaire. Je ne savais pas au juste ce que je devais attendre, et n’osais pas le demander, mais enfin j’attendais des prodiges : des arbres d’or, des rues bordées de palais de marbre, et dans ces rues des habitants vêtus d’habits de soie : cela m’eût paru tout naturel.

Si attentif que je fusse à chercher les arbres d’or, je remarquai néanmoins que les gens qui nous rencontraient ne nous regardaient plus : sans doute ils étaient trop pressés pour cela, ou bien ils étaient peut-être habitués à des spectacles autrement douloureux que celui que nous pouvions offrir.

Cela n’était guère rassurant.

Qu’allions-nous faire à Paris ? et surtout dans l’état de misère où nous nous trouvions ?

C’était la question que je me posais avec anxiété et qui bien souvent occupait mon esprit pendant ces longues marches.

J’aurais bien voulu interroger Vitalis, mais je n’osais pas, tant il se montrait sombre, et, dans ses communications, bref.

Un jour enfin il daigna prendre place à côté de moi, et, à la façon dont il me regarda, je sentis que j’allais apprendre ce que j’avais tant de fois désiré connaître.

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