Читаем Сatherine et le temps d'aimer полностью

Mais Catherine, déjà, ne l'écoutait plus. Elle venait d'apercevoir, au seuil d'une écurie, un officier qui devait être le chef des soldats et qui, encore tout armé, portait sur sa cuirasse un tabard armorié. Or, malgré l'ombre grandissante, il n'était pas possible de s'y tromper : les armes étalées sur la soie épaisse du vêtement, Catherine ne les connaissait que trop bien : c'étaient celles du duc de Bourgogne !

Elle se sentit pâlir et, dans sa tête, les pensées se mirent à tourner à une grande allure. Voyons ! ce n'était pas possible que le duc Philippe fût ici ! Cette escorte pouvait être celle d'un seigneur, elle était tout de même trop mince pour le Grand Duc d'Occident !... Pourtant, c'étaient bien là les fleurs de lys et les barres ducales, les briquets de la Toison d'Or... cette Toison d'Or fondée jadis en souvenir d'elle !

Sa mine défaite et son attitude rigide frappèrent le religieux qui, doucement, secoua la bride du cheval.

— Ma fille ! Vous êtes souffrante ?

Sans bouger, les yeux toujours fixés à l'inquiétant emblème, Catherine demanda :

— Ce seigneur qui vous est arrivé... Quel est-il ?

— Un envoyé personnel de Monseigneur le Duc Philippe de Bourgogne.

— Un envoyé ? Vers qui ? En quel pays ?

— Comment voulez-vous que je le sache ? Sans doute vers le souverain de Castille, ou le roi d'Aragon, à moins qu'il ne s'agisse du roi de Navarre. Mais vous voilà bien nerveuse, ma fille ? Venez ! Le repos vous fera du bien.

Un peu rassurée, Catherine se décida à descendre de son cheval, au moment précis où Ermengarde et le reste de la troupe pénétraient en trombe dans la cour de l'hospice. La comtesse semblait fort mécontente. Très rouge, les lèvres pincées, les yeux fulgurants, elle interpella Catherine furieusement :

— Ah ! ça, ma mie, à quoi jouez-vous ? Voilà des heures que nous vous galopons derrière sans pouvoir vous rattraper!

— Je suis lasse de perdre du temps, Ermengarde ! rétorqua la jeune femme sèchement. Il y a sur votre route trop de gens avec qui vous trouvez plaisir à bavarder. J'ai craint de ne point parvenir, ce soir, dans cette sainte maison et j'ai pris les devants.

— Il me semble pourtant... commença la comtesse.

Mais les mots moururent sur ses lèvres tandis qu'un éclair s'allumait dans ses yeux gris. Elle venait, elle aussi, de reconnaître les armes de l'officier. Un large sourire étira ses lèvres soulignées d'une ombre de moustache.

— On dirait que nous aurons de la compagnie, ici ? dit-elle avec un entrain qui n'échappa pas à Catherine. Des amis, sans doute !

Catherine eut un froid sourire.

— Des amis ? Je vous conseillerais plutôt, ma chère amie, de fuir et d'éviter le seigneur qui possède de telles armoiries. Oubliez-vous que vous êtes proscrite, en fort mauvais termes avec le duc Philippe ?

— Bah ! fit Ermengarde avec une belle insouciance. Nous voilà bien loin de Bruges et de Dijon. De plus, j'ai gardé quelques amis fidèles auprès de Monseigneur Philippe ! Enfin, vous le savez, je n'ai jamais été peureuse. J'aime affronter les choses en face !

Et, relevant le bas de sa robe de velours pourpre, montrant de longs pieds étroits chaussés de bottes solides, la dame de Châteauvillain se dirigea vers la porte sur laquelle l'officier se tenait toujours, regardant venir à lui cette imposante personne qui, de toute évidence, ne lui imposait guère. Elle l'interpella :

— Dis-moi, l'ami, qui est ton maître ?

— Ambassadeur de Monseigneur le duc Philippe de Bourgogne, comte de Flandre, de...

— Fais-nous grâce des titres du duc, je les connais mieux que toi et nous serons encore là au lever du soleil ! Dis-moi plutôt qui est cet ambassadeur ?

— Qui êtes-vous vous-même pour interroger de la sorte, dame ?

La colère n'eut pas le temps d'empourprer les joues, déjà d'un beau rouge sombre, de la comtesse. Une main étroite mais ferme venait d'écarter l'officier tandis qu'un homme jeune encore, vêtu avec une simplicité qui n'excluait pas une certaine élégance, de daim feuille-morte, apparaissait sur le seuil. Sa tête nue montrait de courts cheveux blonds fortement mélangés de gris. Le reflet du feu éclaira un visage étroit aux lèvres si minces qu'elles semblaient scellées. Un long nez droit les surmontait. Le regard glacial de deux yeux bleus, légèrement globuleux, enveloppa la douairière furieuse, mais, brusquement, leur expression changea : un sourire détendit l'ennui des traits réguliers tandis que les yeux ternes se mettaient à briller.

— Ma chère comtesse ! J'avais craint de vous manquer et, déjà...

Un geste discret et autoritaire de la vieille dame lui coupa la parole, mais il était trop tard : non seulement Catherine avait entendu la phrase maladroite, mais elle avait vu le geste. Elle sortit de l'ombre, s'avança auprès de son amie.

— Et moi, Jean, dit-elle froidement, craigniez-vous aussi de me manquer ?

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