Читаем Семь я (СИ) полностью

Ce melange troublant de proximite et de distance, nous le sentons tous, Seigneur, en naissant. Et il n'y a pas, dans l'heritage de douleur et d'esperance que se transmettent les ages, il n'y a pas de nostalgie plus desolee que celle qui fait pleurer l'homme d'irritation et de desir au sein de la Presence qui flotte impalpable et anonyme, en toutes choses, autour de lui : "Si forte attrectent eum."

Maintenant, Seigneur, par la Consecration du Monde, la lueur et le parfum flottant dans l'Univers prennent pour moi corps et visage, en Vous. Ce qu'entrevoyait ma pensee hesitante, ce que reclamait mon coeur par un desir invraisemblable, vous me le donnez magnifiquement : que les creatures soient non seulement tellement solidaires entre elles, qu'aucune ne puisse exister sans toutes les autres pour l'entourer, - mais qu'elles soient tellement suspendues a un meme centre reel, qu'une veritable Vie, subie en commun, leur donne, en definitive, leur consistance et leur union.

Faites eclater, mon Dieu, par l'audace de votre Revelation, la timidite d'une pensee puerile qui n'ose rien concevoir de plus vaste, ni de plus vivant au monde que la miserable perfection de notre organisme humain 1 Sur la voie d'une comprehension plus hardie de l'Univers, les enfants du siecle devancent chaque jour les maitres d'Israel. Vous, Seigneur jesus, " en qui toutes choses trouvent leur consistance ", revelez-Vous enfin a ceux qui vous aiment, comme l'Ame superieure et le Foyer physique de la Creation. Il y va de notre vie, ne le voyez-vous pas ? Si je ne pouvais croire, moi, que votre Presence reelle anime, assouplit, rechauffe la moindre des energies qui me penetrent ou me frolent, est-ce que, transi dans les moelles de mon etre, je ne mourrais pas de froid ?

Merci, mon Dieu, d'avoir, de mille manieres, conduit mon regard, jusqu'a lui faire decouvrir l'immense simplicite des Choses 1 Peu a peu, sous le developpement irresistible des aspirations que vous avez deposees en moi quand j'etais encore un enfant, sous l'influence d'amis exceptionnels qui se sont trouves a point nomme sur ma route pour eclairer et fortifier mon esprit, sous l'eveil d'initiations terribles et douces dont vous m'avez fait successivement franchir les cercles, j'en suis venu a ne pouvoir plus rien voir ni respirer hors du Milieu ou tout n'est qu'Un.

En ce moment ou votre Vie vient de passer, avec un surcroit de vigueur, dans le Sacrement du Monde, je gouterai, avec une conscience accrue, la forte et calme ivresse d'une vision dont je n'arrive pas a epuiser la coherence et les harmonies.

Ce que j'eprouve, en face et au sein du Monde assimile par votre Chair, devenu votre Chair, mon Dieu, - ce n'est ni l'absorption du moniste avide de se fondre dans l'unite des choses, - ni l'emotion du paien prosterne aux pieds d'une divinite tangible, - ni l'abandon passif du quietiste ballotte au gre des energies mystiques.

Prenant a ces divers courants quelque chose de leur force sans me pousser sur aucun ecueil, l'attitude en laquelle me fixe votre universelle Presence est une admirable synthese ou se melent, en se corrigeant, trois des plus redoutables passions qui puissent jamais dechainer un Coeur humain.

Comme le moniste, je me plonge dans l'Unite totale, - mais l'Unite qui me recoit est si parfait qu'en elle je sais trouver, en me perdant, le dernier achevement de mon individualite.

Comme le paien, j'adore un Dieu palpable. Je le touche meme, ce Dieu, par toute la surface et la profondeur du Monde de la Matiere ou je suis pris. Mais, pour le saisir comme je voudrais (simplement pour continuer a le toucher), il me faut aller toujours plus loin, a travers et au-dela de toute emprise, - sans pouvoir jamais me reposer en rien, - porte a chaque instant par les creatures, et a chaque instant les depassant, - dans un continuel accueil et un continuel detachement.

Comme le quietiste, je me laisse delicieusement bercer par la divine Fantaisie. Mais, en meme temps, je sais que la Volonte divine ne me sera revelee, a chaque moment, qu'a la limite de mon effort. Je ne toucherai Dieu dans la Matiere, comme Jacob, que lorsque j'aurai ete vaincu par lui.

Ainsi, parce que m'est apparu l'Objet definitif, total, sur lequel est accordee ma nature, les puissances de mon etre se mettent spontanement a vibrer suivant une Note Unique, incroyablement riche, ou je distingue, unies sans effort, les tendances les plus opposees : l'exaltation d'agir et la joie de subir; la volupte de tenir et la fievre de depasser; l'orgueil de grandir et le bonheur de disparaitre en un plus grand que soi.

Riche de la seve du Monde, je monte vers l'Esprit qui me sourit au-dela de toute conquete, drape dans la splendeur concrete de l'Univers. Et je ne saurais dire, perdu dans le mystere de la Chair divine, quelle est la plus radieuse de ces deux beatitudes: avoir trouve le Verbe pour dominer la Matiere, ou posseder la Matiere pour atteindre et subir la lumiere de Dieu.

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