Les soldats, quelque disciplinés qu’ils soient, répandus dans les villes cherchent à se délasser de la fatigue des camps, s’ils ont défendu nos frontières avec ardeur, s’ils ont étendu nos conquêtes au péril de leurs vies, il est asséz naturel de croire que dans l’intérieur ils cherchent toutes les compensations, toutes les jouissances dont ils ont été privés: pour se procurer ces jouissances, ils se choisissent des compagnons de plaisir, soit parmi les ouvriers, soit avec les ouvrières qui trouvent aussi dans ces amusements une vie plus douce que celle d’être tout le jour attaché à un métier, à une broderie, etc., les mœurs se corrompent, la licence remplace la vie laborieuse; viennent à sa suite les rixes, les insurrections, et souvent les plus grands désordres, enfants de l’oisiveté, de là les ateliers sont abandonnés, les manufactures languissent, le manufacturier voit ses espérances s’évanouir, ses fonds sont en souffrance, les commissions prises de l’étranger sont retardées, les foires, ces temps précieux pour les ventes, sont manquées le commissionnaire frustré des bénéfices qu’il attendoit retire ses ordres, et en dernière analyse la balance du commerce tourne au détriment de la France voilà pour toutes les villes de manufactures en général, qu’il soit permis d’ajouter quelque chose de particulier pour Lyon, la ville sans contredit la plus intéressante pour le trésor public par ses nombreuses manufactures par son immense population, et par sa prépondérance dans la balance du commerce avec l’étranger.
Les malheurs de Lyon sont assez connus, les manufactures délapidées, les chefs fuyant ou périssants sur les échafauds, les ouvriers cherchant une terre hospitalière qui leur donne du pain et du travail, portants à l’étranger l’industrie qui n’auroit jamais abandanné notre sol sans les horreurs qui s’y sont commises, les capitalistes enterrans le numéraire qui a pu leur rester après les ravages du papier monoye dans la crainte qu’il ne leur soit enlevé.
Tous ces maux présens encore à la mémoire des malheureux Lyonnais se couvrent d’un voile quand l’horison politique est sans nuages, la confiance reparoit, l’homme industrieux se livre au travail, l’homme à argent délie sa bourse, de cet heureux concours nait la prospérité publique mais, s’il survient un mouvement dans le gouvernement au renouvellement des calomnies, à l’approche des Reverchons, à la nouvelle de mesures révolutionnaires au soupçon de l’existence d’un camp dont la présence doit influer sur le prix des denrées, sur la main d’œuvre et sur les mœurs, surtout lorsqu’il est reconnu que les troupes arrivent toujours prévenues contre les habitans de Lyon par la malveillance que les scélérats ennemis de cette ville, ont eu soin de semer sur leur route, alors toutes les craintes renaissent, le capitaliste serre de nouveau sa bourse, le numéraire disparoit, le taux de l’intérét augmente en raison de sa rareté, le manufacturier s’arrête, l’ouvrier manquant de travail ne peut plus fournir du pain à sa malheureuse famille, déjà il songe quel pays pourra lui procurer des ressources, tous les travaux sont suspendus. Ces oscillations perpétuelles de craintes et d’espérances effrayent l’ouvrier qui n’attendoit que la paix pour rentrer dans ses foyers et portent le découragement total parmi ceux qui sont restés, dont le nombre ne pourrait suffire lorsque les manufactures reprendront toute leur activité.
Que deviennent alors ces magnifiques promesses repetées tant de fois, de faveurs pour les manufacturiers, de travail pour les ouvriers, de soulagement pour les indigents.
C’est donc à détruire toutes les craintes et à réaliser toutes les espérances que doit s’attacher le gouvernement, s’il veut voir refleurir le commerce, et ce sera alors et seulement alors, que le manufacturier et l’ouvrier dont les intérêts sont si étroitement liés, travailleront avec courage pour leur bonheur et pour la prospérité publique; rien ne leur manquera, ni ressources, ni travail, si le gouvernement faisant usage de tous ses moyens leur assure protection, tranquillité et sûreté, c’est alors que tous les canaux d’abondance s’ouvriront, que tous les échanges se feront au dedans et au dehors, que nos manufactures s’enrichiront du luxe de l’étranger, c’est alors enfin que le commerce français reprenant toute sa splendeur ne trouvera plus de rivaux comme la France ne trouvera plus d’ennemis, et chacun à l’emoi s’empressera de repeter: Vive la paix, vive la république.
Fait au Bureau de commerce de Lyon.
Lyon 12 floréal an cinq de la République Française.
XIV
Архив города Марселя, картон «Corporations».
(Ноябрь 1797 г.).
Marseille le 11 frimaire an 6 de la République française.
Aux citoyens composant le Bureau central.
Les ouvriers soussignés de cette commune vous exposent citoyens, que pendant la réaction royale, ils ont été forcés d’abandonner leurs chantiers et même de se réfugier soit à Toulon, soit ailleurs pour se soustraire aux poignards des egorgeurs.