La cour, qui est absente en ce moment, rentre à Turin le 1er
du mois de septembre. C’est à cette époque que les personnes, arrivées ici dans l’intervalle, sont dans l’habitude de se faire présenter. Il serait difficile, surtout pour des personnes appartenant au corps diplomatique, une fois la cour revenue, de différer beaucoup leur présentation, car plus tard la cour va s’établir à Gênes où elle ne voit pas d’étrangers, et de cette manière l’époque de la présentation se trouverait indéfiniment ajournée. Je n’ignore pas qu’on s’occupe en ce moment chez nous d’un nouveau règlement qui aura pour objet de modifier le costume des dames, appartenant à la diplomatie russe, en leur imposant comme obligatoire à toutes les cours le costume national qui jusqu’à présent n’avait été que facultatif. Or, j’avais pensé à l’arrivée de ma femme qu’il serait peut-être convenable de mettre à profit la latitude, que laissait l’absence du nouveau règlement, pour l’engager à se faire présenter à la cour de Turin avec le costume qui y est en usage. Cette marque de condescendance, qui, venant de notre part, ne saurait, certes, avoir rien d’équivoque, me paraissait devoir être d’un bon effet sous plus d’un rapport. D’abord c’eût été une leçon de modération et de raison qui, pour être courtoise, n’en aurait pas été moins significative. Et plus, en convainquant la cour de Turin de nos dispositions conciliantes sur une question qui comporte si peu l’irritation et l’entêtement, elle aurait eu l’avantage de lui faire apprécier dans son véritable jour le nouveau règlement qui va paraître. Elle lui aurait prouvé que cette mesure du nouveau règlement était une mesure essentiellement générale, se rattachant à un ensemble d’idées parfaitement indépendant des circonstances du moment, ne recélant d’arrière-pensée d’hostilité contre qui que ce soit, et contre laquelle, par cons<é>qTelles avaient été mes idées, et je n’ai pas besoin de vous dire, Monsieur le Comte, combien à l’arrivée de ma femme j’ai été heureux d’apprendre par elle qu’en adoptant ce parti je n’avais fait que pressentir les propres intentions de Votre Excellence et me conformer par avance à ses volontés.
Depuis une conversation, que j’ai eue avec Mad. d’Obrescoff à son retour de Berlin, m’a de nouveau rendu incertain sur ce que j’avais à faire. Mad. d’Obrescoff m’a assuré que, dans l’audience que S M
Assurément, Monsieur le Comte, je suis loin de reconnaître aux paroles de Mad. d’Obrescoff un caractère officiel. — Toutefois ses assertions sont si formelles, si positives, et, d’autre part, la seule possibilité que telle fût en effet la volonté de S M
Si Votre Excellence jugeait qu’en effet l’ancien costume ne fût plus de mise, eh bien, je tâcherai de gagner du temps et de différer la présentation jusqu’après la publication du nouveau règlement. Alors il faudra bien que la question se décide d’une manière ou d’autre.
Mais avant tout, Monsieur le Comte, j’attends de la bienveillante équité de Votre Excellence qu’elle me fera la grâce et la justice de croire que rien n’égale la peine et la confusion que j’éprouve d’avoir à l’entretenir de semblables détails. Je subis, en gémissant, une nécessité que je n’ai point créée, mais dont j’ai hérité…