Читаем Том 6. Письма 1860-1873 полностью

Cette s'erie de dates r'esume les derniers quinze jours de mon existence de touriste. C’est tout un monde d’enchantement. Je me suis assur'e, par mes yeux, que toutes ces belles choses existent en r'ealit'e. Dans quelques semaines j’en douterai.

J’ai eu quelques tr`es bons quarts d’heure dans le courant de ces derniers quinze jours… Des quarts d’heure o`u je me suis senti vivre de la vie d’autrefois, de la vie d’il y a cent ans…

Savez-vous, ma fille ch'erie, ce que c’est que la Gemmi, p e? C’est une montagne `a pic, de 7 mille pieds de haut, qui s'epare les bains de Lo`eche de la d'elicieuse vall'ee de Candersteg qui m`ene aux lacs de Thun et de Brienz… C’est un des passages les plus rudes et les plus scabreux des Alpes de l’Oberland. Une dame francaise y a p'eri l’ann'ee derni`ere. J’ai grimp'e l`a-haut et me suis arr^et'e `a l’endroit o`u le mulet de cette pauvre dame s’'etant abattu, son pauvre corps a roul'e, de rocher en rocher, dans un pr'ecipice de cent pieds de profondeur. Elle venait de se marier.

Ce qui est d’une beaut'e inexprimable, c’est le silence absolu qui r`egne sur les hautes cimes. C’est un monde `a part qui n’appartient plus aux vivants.

A Interlaken j’ai rencontr'e une foule de Russes, mais personne de tr`es connu, sauf le G<'en'er>al Poutiatine* et l’in'evitable Mlle de Gervais que son oncle, le Comte Bloudoff, avait essay'e d’enfermer comme folle dans une maison de sant'e, tentative qui pourtant n’a pas abouti, si ce n’est `a une esp`ece d’apologie assez malencontreuse que le pauvre Comte a 'et'e oblig'e de faire ins'erer dans les journaux, pour justifier cette mesure non-r'eussie… Elle allait me raconter toute cette histoire au long, lorsque la cloche d’un bateau `a vapeur qui l’emmenait est venue lui couper le sifflet…

Sur le lac de Brienz je suis all'e voir le Giessbach, 'eclair'e aux feux de Bengale. Ce jour-l`a j’ai rencontr'e, `a quelques heures d’intervalle, le fameux Kossuth* et la Reine douairi`ere de Naples*.

A Thun j’ai donn'e lieu `a une singuli`ere m'eprise. Quelques stupides Anglais, ayant lu dans le livre des 'etrangers mon nom accompagn'e de ma qualit'e de Chambellan, et n’ayant, `a ce qu’il para^it, pu d'echiffrer de mon griffonnage que les mots: Empereur de Russie, se sont persuad'es que c’est bien l’Emp de Russie en personne qui se trouvait incognito `a l’h^otel de Bellevue, `a Thun, et ont si bien accr'edit'e ce bruit, que le soir la musique de l’h^otel n’a pas manqu'e, par d'ef'erence pour l’Auguste visiteur, de tonner le Боже, царя храни. Ils ont pourtant fini par se d'etromper…

A Berne j’ai vu l’ours qui a croqu'e l’Anglais et qui ne para^it pas s’en souvenir — et `a Fribourg l’orgue, que j’avais entendu il y a 22 ans, m’a inond'e d’une tristesse qu’aucune parole humaine ne saurait exprimer.

Ah, ma fille, pourquoi vit-on jusqu’`a un certain ^age…

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