«J’ai beaucoup pensé dernièrement à Mario Duff. Comme il est étrange que j’aie été si complètement dévoué, et si profondément attaché à cette jeune fille, à un âge oú je ne pouvais ni sentir la passion, ni même comprendre la signification de ce mot. Et pourtant c’était bien la chose! Ma mère avait coutume de me railler sur cet amour enfantin; et plusieurs années après, je pouvais avoir seize ans, elle me dit un jour: «Oh! Byron, j’ai reçu une lettre d’Edimbourg, de miss Abercromby; votre ancienne passion, Marie Duff, a épousé an M. C.». Et quelle fut ma réponse? Je ne puis réellement expliquer ni concevoir mes sensations à ce moment. Mais je tombai presque en convulsions; ma mère fut si fort alarmée qu’après que je fus remis, elle évitait toujours ce sujet avec moi, et se contentait d’en parler à toutes ses connaissances. A présent je me demande ce que pouvait-ce être? je ne l’avais pas revue depuis que, par suite d’un faux pas de sa mère à Aberdeen, elle était allée demeurer chez sa grand-mère à Banff; nous étions tous deux des enfants. J’avais et j’ai aimé cinquante fois depuis cette époque; et cependant je me rappelle tout ce que nous nous disions, nos caresses, ses traits, mon agitation, l’absence de sommeil et la façon dont je tourmentai la femme de chambre de ma mère pour obtenir qu’elle écrivît à Marie en mon nom; ce qu’elle fit à la fin pour me tranquilliser. La pauvre fille me croyait fou, et comme je ne savais pas encore bien écrire, elle devint mon secrétaire. Je me rappelle aussi nos promenades, et le bonheur d’être assis près de Marie, dans la chambre des enfants, dans la maison où elle logeait près de Plainstones à Aberdeen, tandis que sa plus petite sœur jouait à la poupée et que nous nous faisions gravement la cour, à notre manière.Comment diable tout cela a-t-il pu arriver si tôt? quelle en était l’origine et la cause? Je n’avais certainement aucune idée des sexes, même plusieurs années après; et cependant mes chagrins, mon amour pour cette pelite fille étaient si violents que je doute quelquefois que j’aie jamais véritablement aimé depuis. Quoi qu’il en soit, la nouvelle de son mariage me frappa comme un coup de foudre; je fus près d’en étouffer, à la grarde terreur de ma mère et à l’incrédulité de presque toit le monde. Et c’est un phénomène dans mon existence (car je n’avais pas huit ans) qui m’a donné à penser, et dont la solution me tourmentera jusqu’à ma dernière heure. Depuis peu, je ne sais pourquoi, le souvenir (non l’attachement) m’est revenu avec autant de force que jamais. Je m’étonne si elle en a gardé mémoire, ainsi que de moi? et si elle se souvient d’avoir plaint sa petite sœur Hélène de ce qu’elle n’avait pas aussi un adorateur? Que son image m’est réstée charmante dans la tête! ses cheveux chatains, ses yeux d’un brun clair et doux; jusqu’a son costume! Je serais tout-à-fait malheureux de la voir à présent. La réalité, quelque belle qu’elle fût, détruirait ou du moins troublerait ses traits de la ravissante Péri qui existait alors en elle, et qui survit encore en moi, après plus de seize ans; j’en maintenant vingt-cinq et quelques mois…». {8}