L'amour est assis sur le cr^ane De l'Humanit'e,Et sur ce tr^one le profane Au rire effront'e,Souffle gaiement des bulles rondes Qui montent dans l'air,Comme pour rejoindre les mondes Au fond de l''ether.Le globe lumineux et fr^ele Prend un grand essor,Cr`eve et crache son ^ame gr^ele Comme un songe d'or.J'entends le cr^ane `a chaque bulle Prier et g'emir:— "Ce jeu f'eroce et ridicule, Quand doit-il finir?Car ce que ta bouche cruelle 'Eparpille en l'air,Monstre assassin, c'est ma cervelle, Mon sang et ma chair!"
Qu'est-ce que Dieu fait donc de ce flot d'anath`emesQui monte tous les jours vers ses chers S'eraphins?Comme un tyran gorg'e de viande et de vins,Il s'endort au doux bruit de nos affreux blasph`emes.Les sanglots des martyrs et des supplici'esSont une symphonie enivrante sans doute,Puisque, malgr'e le sang que leur volupt'e co^ute,Les cieux ne s'en sont point encore rassasi'es!— Ah! J'esus, souviens-toi du Jardin des Olives!Dans ta simplicit'e tu priais `a genouxCelui qui dans son ciel riait au bruit des clousQue d'ignobles bourreaux plantaient dans tes chairs vives,Lorsque tu vis cracher sur ta divinit'eLa crapule du corps de garde et des cuisines,Et lorsque tu sentis s'enfoncer les 'epinesDans ton cr^ane o`u vivait l'immense Humanit'e;Quand de ton corps bris'e la pesanteur horribleAllongeait tes deux bras distendus, que ton sangEt ta sueur coulaient de ton front p^alissant,Quand tu fus devant tous pos'e comme une cible,R^evais-tu de ces jours si brillants et si beauxO`u tu vins pour remplir l''eternelle promesse,O`u tu foulais, mont'e sur une douce ^anesse,Des chemins tout jonch'es de fleurs et de rameaux,O`u, le coeur tout gonfl'e d'espoir et de vaillance,Tu fouettais tous ces vils marchands `a tour de bras,O`u tu fus ma^itre enfin? Le remords n'a-t-il pasP'en'etr'e dans ton flanc plus avant que la lance?— Certes, je sortirai, quant `a moi, satisfaitD'un monde o`u l'action n'est pas la soeur du r^eve;Puiss'e-je user du glaive et p'erir par le glaive!Saint Pierre a reni'e J'esus… Il a bien fait!