Petit garçon — ton regard mystérieux et sauvageS'envole vers l'infini. — Petit angeDont les yeux sont les reflets de célestes imagesEt les astres irisés trempés dans la fange.Ton amour est payé de sous … et ton âme,Esclave radieuse dont j'ignore le prix,Tandis que ton petit corps frêle se pâme —Insouciante et chaste, sourit.Vers quel Diex inconnu s'envole ton sourire?Pour qui la flamme secrète de tes divines ardeurs?Les cieux sont muets et tristes à mourir …Sous ma main je sens battre ton petit coeur!Qu'attends-tu? Le mystère de l'amourT'est connu. Ton regard errantS'attache froid sur mes yeux; au petit jourTu as lu leur mystère — le Néant!Tu me quittes. Sur tes lèvres fleuriesS'évanouit l'ardeur de mes caresses.Tu emportes ton mystére — et l'oubli,Tu me laisses seul — en détresse.Baedecker (1919)Tu vins vers moi, sourriant et humide,Me disant des mots tendres dans une langue que j'ignore,La langue de ton pays. Dand ton regard limpideJe vis naître le reflet de lointains amours.Dis moi — le soleil éclatant de tes cieux —Engendre-t-il dans le sens des inconnues ardeurs?Brûlantes comme les flammes saintes devant l'autelDans les temples de l'amour où languissent les coeurs?Dis-moi — la Nuit tiède, perfide enchanteresse,Dont le sien frémit de myriades d'étoiles,Enivre-t-elle ton âme pure d'incomparables caresses,En garde-t-elle le secret troublant dans son voile?Tu me parles … Les mots, comme d'une fleur éclose,De ta bouche s'envolent vers la lueur du jour.J'ai comprit ton langage — et dans tes lèvres rosesJe puisse, enivré, le poison d'amour.N'importe (1919)Ne parle plus … Laisse chanter le silence,Ses stances et ses romances.C'est le divin chanteur qui accompagne l'amourLa nuit et le jour.Qu'importe que nos corps sont egaux —Vers l'infini ramentNos âmesEt se pâmentDans un délire radieuxDe tandresses,De caresses …Bon Dieux!Qu'importe qu'on va nous juger cupides!StupidesSont ceux qui traînentLes chaînesD'esclaves!Epaves d'amour, mendiants d'ardeursQui meurentInassouvisDans l'orgueuil et le mépris!N'importe! Je t'aime, j'adoreTon souple corps,La caresse lenteDe ta bouche frémissante,Le delire, l'ivresse,La divine tendresse,Le vertige, l'oubli,Le rêve, l'infini …Vagabond (1919)Je cherche l'amour partout — et sans trêveJe parcours les lieux equivoques —Sinistre vagabond — et mon rêveJe le trouve en guenilles et en loques.N'importe, mon âme hautaine y puisseUne ivresse intense et fière.Ce qu'on aime, on le méprise.O, je ne suis point austére!Les plus beaux contes de l'OrientOn les a pour ce quelques piastres.Faut accepter en souriantLes Dons dont nous comblent les astres.Mais le fantôme bleu de l'amourSe baladent dans la banlieueParaît moins beau le jour!— Oui, mais la Nuit te change les yeux,La Nuit c'est la grande magicienne —Schéhérazade — enchantresse —La sorcellerie de son haleineVa te combler de rares ivresses.Ne crains point d'aborderCe Gigolo qui pue le vice —La Nuit divine va le changerEn Ganymède ou en Dionys.C'est un jeune Dieu qui dans tes brasVa se pâmer dans le délire.Cette volupté tu l'éprouveras —Elle est bien rare, cela va sans dire.Or, moi qui ne suis pas fier,Je ne crains point la déception.Le landemain — un sourire amer —C'est tout. O amour, triste vagabond.1919