De par son admirable position géographique et depuis l'occupation du proconsul Munacius Plancus, Lyon était devenue pour le monde gaulois un centre politico-administratif expressif. Différentes routes importantes y convergeaient, transformant par conséquent cette ville en la résidence presque obligée de nombreuses personnalités représentatives de la noblesse romaine.
Vipsanius Agrippa, gendre d'Octave, avait renforcé sa situation privilégiée élargissant les voies de communication. Des courtisans de la cour de Claude y avaient fait construire de magnifiques palais. Les sciences et les arts, le commerce et l'industrie y fleurissaient avec une grande vitalité. Entre ses murs, ils se réunissaient tous les ans près du célèbre autel de Rome et d'Auguste, lors des grandes assemblées du « Concilium Galliarum » dont chaque ville des trois Gaules possédait son représentant.
C'était à l'occasion de solennités marquantes que les fêtes du premier août en mémoire au grand empereur Caius Julius Caesar Octavianus y étaient célébrées. De nombreuses ambassades et des milliers d'étrangers s'y réunissaient pour des cérémonies brillantes où les serments de fidélité aux dieux et aux autorités se renouvelaient lors de manifestations festives.
Cette ville, qui en d'autres temps avait été la métropole des Ségusiaves, depuis l'occupation impériale vivait sous l'influence latine dans le plus grand raffinement. Placée au confluent de deux fleuves, le Rhône et la Saône, elle offrait aux habitants les meilleures conditions de confort. Dominée par l'hégémonie patricienne, elle exhibait des rues et des parcs soignés, des temples et des monuments d'une grande beauté, des théâtres et des stations balnéaires en plus de villas magnifiques qui contrastaient avec les pâtés de maisons vulgaires, tels de petits châteaux charmants, entourés de jardins et de vignobles où des magistrats et des guerriers, des artistes et de riches affranchis de la capitale du monde venaient s'isoler pour jouir de la vie.
Au temps de Bassianus-Caracalla qui y était né, Lyon avait atteint une immense splendeur.
À plusieurs reprises, le nouveau César lui avait accordé des grâces spéciales.
La cour s'y réunissait souvent pour des jeux et des commémorations.
Néanmoins, malgré toute la protection que l'empereur accordait à sa terre d'origine, la ville gardait encore, en 217, les souvenirs vivants et douloureux de la tuerie de l'an 202, ordonnée par Septime Sévère. Des années après son triomphe sur le général Dèce Claude Septime Albin l'élu des légions de Bretagne, mort en 197, incité par ses conseillers, le vainqueur de Pescennius Niger promulgua un décret de persécution. Après s'être octroyé le patrimoine de tous les citoyens opposés à la politique dominante, des autorités sans scrupules ont réalisé un énorme carnage de chrétiens dans la ville de Lyon et dans ses localités voisines.
Des milliers de partisans du Christ ont ainsi été flagellés et conduits à la mort.
Avec des assassinats en masse, pendant plusieurs jours les persécutions ont duré.
Sans parler des scènes de barbarie envers les femmes et les enfants désarmés, des poteaux de martyre, es spectacles de fauves, des croix, des haches, des bucht rs, des lapidations, des fouets et des poignards ont ;té utilisés par des troupes inconscientes.
Pendant la tuerie, Irénée, le grand évêque, guide de la collectivité évangélique de la ville, a été torturé avec toutes les quintessences de la violence perverse jusqu'à son dernier soupir. Né en Asie-Mineure, il fut apprenti de Polycarpe, le dévoué et très vénéré prêtre de Smyrne qui à son tour avait reçu la foi par l'intermédiaire de l'apôtre Jean l'Évangéliste.
Pour tout cela, l'église de Lyon se considérait dépositaire des traditions les plus vivantes de l'Évangile. Elle possédait les reliques du fils de Zebedeo et celles de bien d'autres représentants du christianisme naissant qui fortifiaient son penchant pour la foi. Dans ce contexte de profonde illumination spirituelle l'esprit miséricordieux de la communauté de Jérusalem était resté presque intact.
Alors que Rome s'initiait aux baptêmes de sang au temps de Néron, la communauté lyonnaise commençait sa tâche d'évangélisation dans un calme relatif.
Des émissaires de Palestine, de Phrygie, de Syrie, d'Achaïe et d'Egypte s'y rendaient sans cesse.
Les épîtres envoyées d'Asie éclairaient son chemin.
De ce fait, c'était le centre d'études théologiques permanentes dans le champ des interprétations.
Irénée, qui s'était consacré aux minutieux commentaires des Écritures, pratiquait le grec et le latin avec une grande maîtrise. Il avait écrit des travaux remarquables, réfutant les adversaires de la Bonne Nouvelle et préservant les traditions apostoliques tout en guidant les différents services de la construction chrétienne.
Mais la collectivité ne se distinguait pas seulement par des réalisations intellectuelles.
Elle faisait du sanctuaire consacré à Saint-Jean, le centre de ses travaux d'ordre général, l'église primait par ses oeuvres d'assistance.