Non, Tatien, non ! — a-t-il protesté d'une voix ferme — mon jugement n'est pas déséquilibré ! Ma santé n'a jamais été aussi robuste que maintenant ! Ma conscience se réveille à peine pour se faire justice. J'ai commis des crimes et des crimes ! Je ne perpétrerai plus celui de t'occulter la réalité. Cours sur les lieux de l'exécution et si ton père est encore vivant, ne le prive pas de ton affection à la dernière heure ! J'irai avec toi, j'irai avec toi !...
Opilius, désespéré, révélant un déséquilibre compromettant qui, d'aucune manière, correspondait à son tempérament calculateur et courtois, est intervenu en criant :
Chien, recule ! Tu ne briseras pas l'harmonie de ma maison ! Ne méprise pas la mémoire du père de Tatien qui nous a toujours été extrêmement sacrée !...
Ses veines gonflées dénonçaient toute l'émotion qui opprimait son âme, Subrius a exprimé une féroce expression sur son visage auparavant flegmatique et impénétrable, et il a rétorqué :
Ce n'est pas la vérité, Tatien ! Opilius m'a ordonné de poignarder Varrus Quint sur les eaux, mais par gratitude au passé, je l'ai épargné en assassinant un apôtre qui l'accompagnait et qui, certainement, lui a légué son nom. Et même si je meurs maintenant, je suis plus soulagé, presque heureux. J'ai vidé le fiel qui m'empoisonnait le cœur, j'ai expulsé quelque chose de ma propre bassesse... Mais, ne perds pas de temps, partons !
Veturius, toutefois, l'a immédiatement attrapé par la taille et a immobilisé ses bras, appelant des serviteurs, alarmé et livide.
Obéissant à leur maître, des esclaves musclés l'enfermèrent dans une pièce agréablement meublée, mais sombre et triste.
Légionnaire dans le temps, malgré son âge, il montra à cette heure l'agilité d'un tigre enchaîné, essayant de réagir à la hauteur de l'agression.
Et avant qu'Opilius et le mari d'Hélène ne se soient retirés, inexplicablement, Subrius
s'est tu.
Ses yeux brillaient maintenant et pris d'une étrange lucidité, après quelques instants il se mit à parler posément :
Tatien, mon histoire est la version réelle des faits. Quelque chose me dit que l'esprit de ton père n'est encore pas parti. Veturius m'a incarcéré pensant faire taire la vérité... Naturellement, il croit qu'il pourra me retenir comme il l'a fait avec ta malheureuse mère, mais il se trompe encore une fois et puisque je suis dans l'impossibilité de faire une confession devant l'envoyé d'Auguste afin de recevoir la punition que je mérite, je mourrai pour que tu crois en moi ! J'échange ma misérable vie inutile pour les moments de consolation que Varrus mérite...
Opilius a émis un rire nerveux réitérant sa conviction que son compagnon délirait.
Restant calme, Subrius s'adressa au jeune homme :
Une fois que je me serai puni moi-même, réfléchis à ma révélation et n'hésite pas...
Veturius, voulant empêcher de nouveaux échanges, a traîné son beau-fils à l'intérieur l'invitant à se préparer pour le repas.
Dans le triclinium, il voulut dissiper la tristesse de son fils adoptif en lui racontant de joyeuses histoires anodines, et une fois le repas terminé, ils sont allés passer un moment sur la
Quand le fils de Cintia fut remis de sa surprise, voici qu'est apparu Épipode, très pâle, annonçant que le vieux Subrius s'était pendu à la plus haute poutre de sa cellule.
Le beau-fils et le beau-père se sont regardés, terrifiés. Ils ont accourus instinctivement dans la sombre pièce et ont trouvé le corps du vieil ami suspendu, inerte, à l'épaisse charpente en bois.
Le vieux soldat avait tenu sa promesse en se suicidant.
Comme s'il était poussé par une insurmontable énergie, Tatien n'a plus hésité. Il s'est éloigné précipitamment en direction de l'écurie et alors qu'il montait dans une voiture légère, il a été étreint par Opilius qui lui a déclaré :
Je vais avec toi. Tu seras convaincu que le misérable sorcier est mort et que Subrius a été simplement victime de folie et d'illusion.
Le soleil des premières heures de l'après-midi scintillait entre les feuilles des gigantesques chênes qui protégeaient le chemin sur lequel les deux associés du destin avançaient calmement, ruminant mentalement chacun ses réflexions. Néanmoins, alors que Tatien, jeune et vigoureux, se perdait dans un abîme d'interrogations, Opilius, amaigri et inquiet, était plongé dans des souffrances torturantes. Comment échapper aux déboires de cette heure si le condamné était encore vivant ? Comment regagner la confiance de son beau- fils si la parole de Subrius
À la porte du cachot, ils furent reçus par le gardien de la prison avec un respect tout spécial qui, loquace et gentil, les a informés où se trouvait le frère Corvinus moribond...
À la demande d'Artémis Cimbrus, le geôlier Edulius lui prêtait assistance parce que le généreux patricien avait obtenu l'autorisation d'enterrer son corps dès qu'il aurait expiré.
Opilius, tremblant, a supplié l'autorisation de rendre visite à l'agonisant en privé ; demande qui fut immédiatement acceptée.