Читаем Citadelle полностью

La vérité de mes ordonnances, c'est l'homme qui en naîtra. Et les coutumes et les lois et le langage de mon empire, je ne cherche point en eux-mêmes leur signification. Je sais trop bien qu'en assemblant des pierres c'est du silence que l'on crée. Lequel ne se lisait point dans les pierres. Je sais trop bien qu'à force de fardeaux et de bandeaux c'est l'amour que l'on vivifie. Je sais trop bien que celui-là ne connaît rien qui a dépecé le cadavre et pesé ses os et ses viscères. Car os et viscères ne servent de rien par eux-mêmes, non plus que l'encre et la pâte du livre. Seule compte la sagesse qu'apporté le livre, mais qui n'est point de leur essence.

Et je refuse la discussion car il n'est rien ici qui se puisse démontrer. Langage de mon peuple, je te sauverai de pourrir. Je me souviens de ce mécréant qui visita mon père:

«Tu ordonnes que chez toi l'on prie avec des chapelets de treize grains. Q'importe treize grains, disait-il, le salut n'est-il pas le même si tu en changes le nombre?»

Et il fit valoir de subtiles raisons pour que les hommes priassent sur des chapelets de douze grains. Moi, enfant, sensible à l'habileté du discours, j'observais mon père, doutant de l'éclat de sa réponse, tant les arguments invoqués m'avaient paru brillants:

«Dis-moi, reprenait l'autre, en quoi pèse plus lourd le chapelet de treize grains…

— Le chapelet de treize grains, répondit mon père, pèse le poids de toutes les têtes qu'en son nom j'ai déjà tranchées…»

Dieu éclaira le mécréant qui se convertit.


IV


Demeure des hommes, qui te fonderait sur le raisonnement? Qui serait capable, selon la logique, de te bâtir? Tu existes et n'existes pas. Tu es et tu n'es pas. Tu es faite de matériaux disparates, mais il faut t'inventer pour te découvrir. De même que celui-là, qui a détruit sa maison avec la prétention de la connaître, ne possède plus qu'un tas de pierres, de briques et de tuiles, ne retrouve ni l'ombre ni le silence ni l'intimité qu'elles servaient, et ne sait quel service attendre de ce tas de briques, de pierres et de tuiles, car il leur manque l'invention qui les domine, l'âme et le cœur de l'architecte. Car il manque à la pierre l'âme et le cœur de l'homme.

Mais comme il n'est de raisonnements que de la brique, de la pierre et de la tuile, non de l'âme et du cœur qui les dominent, et les changent, de par leur pouvoir, en silence, comme l'âme et le cœur échappent aux règles de la logique et aux lois des nombres, alors, moi, j'apparais avec mon arbitraire. Moi l'architecte. Moi qui possède une âme et un cœur. Moi qui seul détiens le pouvoir de changer la pierre en silence. Je

viens, et je pétris cette pâte, qui n'est que matière, selon l'image créatrice qui me vient de Dieu seul et hors des voies de la logique. Moi je bâtis ma civilisation, épris du seul goût qu'elle aura, comme d'autres bâtissent leur poème et infléchissent la phrase et changent le mot, sans être contraints de justifier l'inflexion ni le changement, épris du seul goût qu'elle aura, et qu'ils connaissent par le cœur.

Car je suis le chef. Et j'écris les lois et je fonde les fêtes et j'ordonne les sacrifices, et, de leurs moutons, de leurs chèvres, de leurs demeures, de leurs montagnes, je tire cette civilisation semblable au palais de mon père où tous les pas ont un sens.

Car, sans moi, qu'en eussent-ils fait du tas de pierres, à le remuer de droite à gauche, sinon un autre tas de pierres moins bien organisé encore? Moi je gouverne et, Je choisis. Et je suis seul à gouverner. Et voilà qu'ils peuvent prier dans le silence et l'ombre qu'ils doivent à mes pierres. A mes pierres ordonnées selon l'image de mon cœur.

Je suis le chef. Je suis le maître. Je suis le responsable. Et je les sollicite de m'aider. Ayant bien compris que le chef n'est point celui qui sauve les autres, mais celui qui les sollicite de le sauver. Car c'est par moi, par l'image que je porte, que se fonde l'unité que j'ai tirée, moi seul, de mes moutons, de mes chèvres, de mes demeures, de mes montagnes, et dont les voilà amoureux, comme ils le seraient d'une jeune divinité qui ouvrirait ses bras frais dans le soleil, et qu'ils n'auraient d'abord point reconnue. Voici qu'ils aiment la maison que j'ai inventée selon mon désir. Et à travers elle, moi, l'architecte. Comme celui-là qui aime une statue n'aime ni l'argile ni la brique ni le bronze, mais la démarche du sculpteur. Et je les accroche à leur demeure, ceux de mon peuple, afin qu'ils sachent la reconnaître. Et ils ne la reconnaîtront qu'après qu'ils l'auront nourrie de leur sang. Et parée de leurs sacrifices. Elle exigera d'eux jusqu'à leur sang, jusqu'à leur chair, car elle sera leur propre signification. Alors ils ne la pourront méconnaître, cette structure divine en forme de visage. Alors ils éprouveront pour elle l'amour. Et leurs soirées seront ferventes. Et les pères, quand leurs fils ouvriront les yeux et les oreilles, s'occuperont d'abord de la leur découvrir, afin qu'elle ne se noie point dans le disparate des choses.

Перейти на страницу:

Похожие книги

Айза
Айза

Опаленный солнцем негостеприимный остров Лансароте был домом для многих поколений отчаянных моряков из семьи Пердомо, пока на свет не появилась Айза, наделенная даром укрощать животных, призывать рыб, усмирять боль и утешать умерших. Ее таинственная сила стала для жителей острова благословением, а поразительная красота — проклятием.Спасая честь Айзы, ее брат убивает сына самого влиятельного человека на острове. Ослепленный горем отец жаждет крови, и семья Пердомо спасается бегством. Им предстоит пересечь океан и обрести новую родину в Венесуэле, в бескрайних степях-льянос.Однако Айзу по-прежнему преследует злой рок, из-за нее вновь гибнут люди, и семья вновь вынуждена бежать.«Айза» — очередная книга цикла «Океан», непредсказуемого и завораживающего, как сама морская стихия. История семьи Пердомо, рассказанная одним из самых популярных в мире испаноязычных авторов, уже покорила сердца миллионов. Теперь омытый штормами мир Альберто Васкеса-Фигероа открывается и для российского читателя.

Альберто Васкес-Фигероа

Проза / Современная русская и зарубежная проза / Современная проза