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Et si j'ai su bâtir ma demeure assez vaste pour donner un sens jusqu'aux étoiles, alors s'ils se hasardent la nuit sur leur seuil et qu'ils lèvent la tête, ils rendront grâce à Dieu de mener si bien ces navires. Et si je la bâtis assez durable pour qu'elle contienne la vie dans sa durée, alors ils iront de fête en fête comme de vestibule en vestibule, sachant où ils vont, et découvrant, au travers de la vie diverse, le visage de Dieu.

Citadelle! Je t'ai donc bâtie comme un navire. Je t'ai clouée, gréée, puis lâchée dans le temps qui n'est plus qu'un vent favorable.

Navire des hommes, sans lequel ils manqueraient l'éternité!

Mais je les connais, les menaces qui pèsent contre mon navire. Toujours tourmenté par la mer obscure du dehors. Et par les autres images possibles. Car il est toujours possible de jeter bas le temple et d'en prélever les pierres pour un autre temple. Et l'autre n'est ni plus vrai, ni plus faux, ni plus juste, ni plus injuste. Et nul ne connaîtra le désastre, car la qualité du silence ne s'est pas inscrite dans le tas de pierres.

C'est pourquoi je désire qu'ils épaulent solidement les maîtres couples du navire. Afin de les sauver de génération en génération, car je n'embellirai point un temple si je le recommence à chaque instant.

V


C'est pourquoi je désire qu'ils épaulent solidement les maîtres couples du navire. Construction d'hommes. Car autour du navire il y a la nature aveugle, informulée encore et puissante. Et celui-là risque d'être exagérément en repos qui oublie la puissance de la mer.

Ils croient absolue en elle-même la demeure qui leur fut donnée. Tant l'évidence devient, une fois montrée. Quand on habite le navire, on ne voit plus la mer. Ou, si l'on aperçoit la mer, elle n'est plus qu'ornement du navire. Tel est le pouvoir de l'esprit. La mer lui parut faite pour porter le navire.

Mais il se trompe. Tel sculpteur à travers la pierre leur a montré tel visage. Mais l'autre eût montré un autre visage. Et tu l'as vu toi-même des constellations: celle-là est un cygne. Mais l'autre eût pu t'y montrer une femme couchée. Il vient trop tard. Nous ne nous évaderons jamais plus du cygne. Le cygne inventé nous a saisis.

Mais de le croire par erreur absolu on ne songe plus à le protéger. Et je sais bien par où il me menace, l'insensé. Et le jongleur. Celui qui modèle des visages avec la facilité de ses doigts. Ceux qui voient jouer perdent le sens de leur domaine. C'est pourquoi je le fais saisir et écarteler. Mais certes ce n'est point à cause de mes juristes qui me démontrent qu'il a tort. Car il n'a point tort. Mais il n'a pas raison non plus, et je lui refuse en revanche de se croire plus intelligent, plus juste que mes juristes. Et c'est à tort qu'il croit qu'il a raison. Car il propose lui aussi comme absolu ses figures nouvelles éphémères et brillantes, nées de ses mains, mais auxquelles manquent le poids, le temps, la chaîne ancienne des religions. Sa structure n'est pas devenue encore. La mienne était. Et voilà pourquoi je condamne le jongleur et sauve ainsi mon peuple de pourrir.

Car celui qui n'y prête plus attention et ne sait plus qu'il habite un navire, celui-là par avance est comme démantelé et il verra bientôt sourdre la mer dont la vague lavera ses jeux imbéciles.

Car m'a été proposée cette image même de mon empire, une fois que nous fûmes en pleine mer dans le but d'un pèlerinage, quelques-uns de mon peuple et moi-même.


Ils se trouvaient donc enfermés à bord d'un vaisseau de haute mer. Quelquefois en silence je me promenais parmi eux. Accroupis autour des plateaux de nourriture, allaitant les enfants ou pris dans l'engrenage du chapelet de la prière, ils s'étaient faits habitants du navire. Le navire s'était fait demeure.

Mais voilà qu'une nuit les éléments se soulevèrent. Et comme je vins les visiter, dans le silence de mon amour, je vis que rien n'avait changé. Ils ciselaient leurs bagues, filaient leur laine, ou parlaient à voix basse, tissant inlassablement cette communauté des hommes, ce réseau de liens qui fait que si ensuite l'un d'eux meurt il arrache à tous quelque chose. Et je les écoutais parler, dans le silence de mon amour, dédaignant le contenu de leurs paroles, leurs histoires de bouilloires ou de maladies, sachant que ce n'est point dans l'objet que réside le sens des choses, mais dans la démarche. Et celui-là, quand il souriait avec gravité, faisait don de lui-même… et cet autre qui s'ennuyait, ne sachant point que c'était par crainte ou absence de Dieu. Ainsi les regardais-je dans le silence de mon amour.

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