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Ainsi, à l'heure du départ, quand tu vérifies le chargement, tires sur les cordages pour juger si les marchandises balancent, contrôles l'état des réserves d'eau, tu fais appel au meilleur de toi-même. Et te voilà en marche vers ta contrée lointaine qu'au-delà des sables bénissent les eaux, gravissant l'étendue d'un puits à l'autre puits, comme les marches d'un escalier, pris, puisqu'il est une danse à danser et un ennemi à vaincre, dans le cérémonial du désert. Et, en même temps que des muscles, je te bâtis une âme.


Mais si je veux te l'enrichir encore, si je veux que les puits comme des pôles attirent ou repoussent avec plus de force et qu'ainsi le désert soit construction pour ton esprit et pour ton cœur, je te le peuplerai d'ennemis. Ceux-là tiendront les puits et il te faudra pour boire ruser, combattre et vaincre. Et selon les tribus qui camperont ici et là plus cruelles, moins cruelles, plus voisines d'esprit ou d'une langue impénétrable, mieux armées ou moins bien armées — tes pas se feront plus agiles ou moins agiles, plus discrets ou plus bruyants et les distances abattues au cours de tes journées de marche varieront, malgré qu'il s'agisse d'une étendue en tous les points semblables pour les yeux. Et ainsi s'aimantera, se diversifiera et se colorera différemment une immensité qui d'abord était jaunâtre et monotone mais qui, pour ton esprit et pour ton cœur, prendra plus de relief que ces pays heureux où sont les fraîches vallées, les montagnes bleues, les lacs d'eau douce et les prairies.

Car ton pays est ici d'un homme puni de mort et là d'un homme délivré, ici d'une surprise et là d'une solution de surprise. Ici d'une poursuite, et là d'une discrétion attentive comme dans la chambre où elle dort et où tu ne veux pas la réveiller.

Et sans doute ne se passera-t-il rien au cours de la plupart de tes voyages, car il suffit que te soient valables ces différences et motivé et nécessaire et absolu le cérémonial qui en naîtra pour enrichir de qualité ta danse. Le miracle alors sera bien que celui-là que j'ajoute à ta caravane, s'il ignore ton langage et ne participe pas à tes craintes, à tes espoirs et à tes joies, si simplement il est réduit aux mêmes gestes que les conducteurs de tes montures, il ne rencontrera rien qu'un désert vide et bâillera tout le long de la traversée d'une étendue interminable dont il ne recevra qu'ennui, et rien de mon désert ne changera ce voyageur. Le puits n'aura été pour lui qu'un trou de taille médiocre qu'il a fallu désensabler. Et qu'eût-il connu de l'ennemi puisque par essence il est invisible: car il ne s'agit là que d'une poignée de graines promenées par les vents, bien qu'elles suffisent à tout transfigurer pour celui-là qui s'y trouve lié, comme le sel transfigure un festin. Et mon désert, si seulement je t'en montre les règles du jeu, se fait pour toi d'un tel pouvoir et d'une telle prise que je puis te choisir banal, égoïste, morne et sceptique dans les faubourgs de ma ville ou le croupissement de mon oasis, et t'imposer une seule traversée de désert, pour faire éclater en toi l'homme, comme une graine hors de sa cosse, et t'épanouir d'esprit et de cœur. Et tu me reviendras ayant mué, et magnifique, et bâti pour vivre de la vie des forts. Et si je me suis borné à te faire participer de son langage, car l'essentiel n'est point des choses mais du sens des choses, le désert t'aura fait germer et croître comme un soleil.

Tu l'auras traversé comme une piscine miraculeuse. Et quand tu remonteras sur l'autre bord, riant, viril et saisissant, elles te reconnaîtront bien, les femmes, toi qu'elles cherchaient, et tu n'auras plus qu'à les mépriser pour les obtenir.


Combien fou celui-là qui prétend chercher le bonheur des hommes dans la satisfaction de leurs désirs, croyant, de les regarder qui marchaient, que compte d'abord pour l'homme l'accès au but. Comme s'il était jamais un but.


C'est pourquoi je te dis que comptent pour l'homme d'abord et avant tout la tension des lignes de force dans lesquelles il trempe, et sa propre densité intérieure qui en découle, et le retentissement de ses pas, et l'attirance des puits et la dureté de la pente à gravir dans la montagne. Et celui-là qui l'a su gravir, s'il vient de surmonter à la force de ses poignets et à l'usure de ses genoux une aiguille de roc, tu ne prétendras point que son plaisir est de la qualité médiocre du plaisir de ce sédentaire qui, y ayant traîné un jour de repos sa chair molle, se vautre dans l'herbe sur le dôme facile d'une colline ronde.

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