Читаем Citadelle полностью

Peut-être le reprendrait-elle en le réveillant tel qu'il était, lui, quand il l'aimait. Mais il y faut un génie créateur car il s'agit de charger l'homme de quelque chose, de même que je le charge d'une pente vers la mer qui le fera bâtisseur de navires. Alors certes l'arbre croîtra qui ira se diversifiant. Et de nouveau il réclamera la chanson triste.

Pour fonder l'amour vers moi, je fais naître quelqu'un en toi qui est pour moi. Je ne te dirai point ma souffrance, car elle te fera dégoûté de moi. Je ne te ferai point de reproches: ils t'irriteraient justement. Je ne te dirai pas les raisons que tu as de m'aimer, car tu n'en as point. La raison d'aimer c'est l'amour. Je ne me montrerai pas non plus tel que tu me souhaitais. Car celui-là tu ne le souhaites plus. Sinon tu m'aimerais encore. Mais je t'élèverai pour moi. Et si je suis fort je te montrerai un paysage qui te fera mon ami devenir.

Celle-là que j'avais oublié me fut comme une flèche au cœur en me disant: «Entendez-vous votre cloche perdue?»


Car en fin de compte qu'ai-je à te dire? Je suis souvent allé m'asseoir sur la montagne. Et j'ai considéré la ville. Ou bien, me promenant dans le silence de mon amour, j'ai écouté parler les hommes. Et certes j'ai entendu des paroles auxquelles succédaient des actes comme du père qui dit à son fils: «Va me remplir cette urne à la fontaine» ou du caporal qui dit au soldat: «A minuit tu prendras la garde…» Mais il m'est toujours apparu que ces paroles ne présentaient point de mystère, et que le voyageur ignorant du langage, les constatant ainsi liées à l'usuel, n'y eût rien trouvé de plus étonnant que dans les démarches de la fourmilière dont aucune ne paraît obscure. Et moi, observant les charrois, les constructions, les soins aux malades, les industries et les commerces de ma ville, je n'y voyais rien qui ne fût d'un animal un peu plus audacieux et inventif et compréhensif que les autres, mais il m'apparaissait avec une évidence égale qu'en les considérant dans leurs fonctions usuelles je n'avais pas encore observé l'homme.

Car là où il m'apparaissait et me demeurait inexplicable par les règles de la fourmilière, là où il m'échappait si j'ignorais le sens des mots, c'était quand, sur la place du marché, assis en cercle, ils écoutaient un diseur de légendes, lequel avait en son pouvoir, s'il eût eu du génie, de se lever leur ayant parlé et, suivi d'eux, d'incendier la ville.

J'ai vu certes ces foules paisibles soulevées par la voix d'un prophète et s'en allant fondre à sa suite dans la fournaise du combat. Fallait que fût irrésistible ce que charriait le vent des paroles pour que, la foule l'ayant reçu, elle démentît le comportement de la fourmilière et se changeât en incendie, s'offrant d'elle-même à la mort.

Car ceux-là qui rentraient chez eux étaient changés. Et me semblait que point n'était besoin pour croire aux opérations magiques de les chercher dans les balivernes des mages, puisque étaient pour mes oreilles des assemblages de mots miraculeux et susceptibles de m'arracher à ma maison, à mon travail, à mes coutumes et de me faire souhaiter la mort.

C'est pourquoi j'écoutais chaque fois avec attention, distinguant le discours efficace de celui qui ne créait rien, afin d'apprendre à reconnaître l'objet du charroi. Car l'énoncé certes n'importe pas. Sinon chacun serait un grand poète. Et chacun serait meneur d'hommes, disant: «Suivez-moi pour l'assaut et l'odeur de la poudre brûlée…» Mais si tu t'y essaies tu les vois rire. Ainsi de ceux qui prêchent le bien.

Mais d'avoir écouté quelques-uns réussir et changer les hommes, et d'avoir prié Dieu afin qu'il m'éclairât, il m'a été donné d'apprendre à reconnaître dans le vent des paroles le charroi rare des semences.


CXXXVIII


C'est ainsi que je fis un pas dans la connaissance du bonheur et acceptai de me le poser en problème. Car il m'apparaissait comme fruit du choix d'un cérémonial créant une âme heureuse et non comme cadeau stérile d'objets vains. Car il n'est point possible de remettre le bonheur aux hommes comme provision. Et à ces réfugiés berbères mon père n'avait rien à donner qui les pût rendre heureux, alors que j'ai observé, dans les déserts les plus âpres et le dénuement le plus rigoureux, des hommes dont la joie était rayonnante.

Mais ne va pas t'imaginer que je puisse croire un instant que naîtra ton bonheur de la solitude, du vide et du dénuement. Car ils peuvent tout aussi bien te désespérer. Mais je te montre comme saisissant l'exemple qui distingue si bien le bonheur des hommes de la qualité des provisions qui leur sont remises, et soumet si parfaitement l'apparition de ce bonheur à la qualité du cérémonial.

Перейти на страницу:

Похожие книги

Айза
Айза

Опаленный солнцем негостеприимный остров Лансароте был домом для многих поколений отчаянных моряков из семьи Пердомо, пока на свет не появилась Айза, наделенная даром укрощать животных, призывать рыб, усмирять боль и утешать умерших. Ее таинственная сила стала для жителей острова благословением, а поразительная красота — проклятием.Спасая честь Айзы, ее брат убивает сына самого влиятельного человека на острове. Ослепленный горем отец жаждет крови, и семья Пердомо спасается бегством. Им предстоит пересечь океан и обрести новую родину в Венесуэле, в бескрайних степях-льянос.Однако Айзу по-прежнему преследует злой рок, из-за нее вновь гибнут люди, и семья вновь вынуждена бежать.«Айза» — очередная книга цикла «Океан», непредсказуемого и завораживающего, как сама морская стихия. История семьи Пердомо, рассказанная одним из самых популярных в мире испаноязычных авторов, уже покорила сердца миллионов. Теперь омытый штормами мир Альберто Васкеса-Фигероа открывается и для российского читателя.

Альберто Васкес-Фигероа

Проза / Современная русская и зарубежная проза / Современная проза