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Et comment saurais-tu lequel des deux l'emporte sur l'autre? Qu'est-ce qu'un général sans armée? Qu'est-ce qu'une armée sans général? Une égalité est égalité dans l'empire et la fraternité leur est accordée comme récompense. Car la fraternité n'est point le droit au tutoiement ni à l'injure. Et moi je dis que ta fraternité est récompense de ta hiérarchie et du temple que vous bâtissez l'un par l'autre. Car je l'ai découvert dans les foyers où le père était respecté et où le fils aîné protégeait le plus jeune. Et où le plus jeune se confiait à l'aîné. Alors chaudes étaient leurs soirées, leurs fêtes et leurs retours. Mais s'ils sont matériaux en vrac, si nul ne dépend plus de l'autre, si simplement ils se coudoient et se mêlent comme des billes, où vois-tu leur fraternité? Que l'un d'eux meure, on le remplace car il n'était point nécessaire. Je veux connaître où tu es et qui tu es pour t'aimer.

Et si je t'ai retiré des flots de la mer je t'en aimerai mieux, responsable que je suis de ta vie. Ou si je t'ai veillé et guéri quand tu souffrais — ou si te voilà mon vieux serviteur qui m'a assisté comme une lampe, ou le gardien de mes troupeaux. Et j'irai boire chez toi ton lait de chèvre. Et je recevrai de toi et tu donneras. Et tu recevras et je donnerai. Mais je n'ai rien à dire à celui-là qui se proclame mon égal avec hargne et ne veut ni dépendre de moi en quelque chose ni que je dépende de lui. Je n'aime que celui-là dont la mort me serait déchirante.


CLIII


Cette nuit-là, dans le silence de mon amour, je voulus gravir la montagne pour, une fois de plus, observer la ville, l'ayant par mon ascension rangée

dans le silence et privée de ses mouvements — mais j'ai fait halte à mi-chemin, retenu que j'étais par ma pitié, car des campagnes j'entendais monter des plaintes et je souhaitais de les comprendre.

Elles s'élevaient du bétail rangé dans les étables. Et des bêtes des champs et des bêtes du ciel et des bêtes du bord des eaux. Car seules elles témoignent dans la caravane de la vie, le végétal n'ayant point de langage, et l'homme ayant déjà, vivant à demi la vie de l'esprit, commencé d'user du silence. Car celui-là que le cancer travaille, tu le vois se mordre les lèvres et se taire, sa souffrance se changeant au-dessus du remue-ménage de la chair en arbre spirituel qui pousse ses branches et ses racines dans un empire qui n'est point des choses mais du sens des choses. C'est pourquoi t'angoisse plus fort la souffrance qui se tait que la souffrance qui crie. Celle qui se tait remplit la chambre. Remplit la ville. Et il n'est point de distance pour la fuir. La bien-aimée qui souffre loin de toi, si tu l'aimes, te voilà dominé où que tu sois par sa souffrance.

Donc j'entendais les plaintes de la vie. Car la vie se perpétuait dans les étables, dans les champs et au bord des eaux. Car meuglaient les génisses en gésine dans les étables. Car j'entendais aussi les voix de l'amour monter de marécages ivres de leurs grenouilles. J'entendais aussi les voix du carnage car piaulait le coq de bruyère dont s'était saisi le renard, bêlait la chèvre que tu sacrifiais pour ton repas. Et il arrivait parfois qu'un fauve fît taire la contrée d'un seul rugissement, s'y taillant d'un seul coup un empire de silence où toute vie suait de peur. Car les fauves se guident sur l'odeur aigre de l'angoisse, laquelle charge le vent. A peine avait-il rugi, toutes ses victimes brillaient pour lui comme un peuple de lumières.

Puis se dégelaient de leur stupeur les bêtes de la terre et du ciel et du bord des eaux, et reprenait la plainte de gésine, d'amour et de carnage.

«Ah! me dis-je, ce sont là les bruits du charroi, car la vie se délègue de génération en génération, et, de cette marche à travers le temps, il en est comme du char pesant dont l'essieu crie…»

C'est alors qu'il me fut donné de comprendre enfin quelque chose de l'angoisse des hommes, car ils se délèguent eux aussi, émigrant hors d'eux-mêmes de génération en génération. Et jour et nuit se poursuivent inexorables, à travers villes et campagnes, ces divisions comme d'un tissu de chair qui se déchire et se répare, et je sentis en moi, comme j'eusse ressenti une blessure, le travail d'une mue lente et perpétuelle.

«Mais ces hommes, me disais-je, vivent non des choses mais du sens des choses et il faut bien qu'ils se délèguent les mots de passe.

«C'est pourquoi je les vois, à peine l'enfant leur est-il né, occupés de le débrouiller à l'usage de leur langage, comme à l'usage d'un code secret, car il est clef de leur trésor. Pour transporter en lui ce lot de merveilles, ils ouvrent en lui laborieusement les chemins du charroi. Car difficiles à formuler et lourdes et subtiles sont les récoltes qu'il s'agit de passer d'une génération à l'autre.

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