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«Prendre conscience, affirmait-il encore, ce n'est point recevoir le bazar d'idées qui ira dormir. Peu m'importent tes connaissances car elles ne te servent de rien sinon comme objets et comme moyens dans ton métier qui est de me construire un pont, ou de m'extraire l'or, ou de me renseigner si j'en ai besoin sur la distance des capitales. Mais ce formulaire n'est point l'homme. Prendre conscience, ce n'est point non plus augmenter ton vocabulaire. Car son accroissement n'a d'autre objet que de te permettre d'aller plus loin en me comparant maintenant tes jalousies, mais c'est la qualité de ton style qui garantira seule la qualité de tes démarches. Sinon je n'ai que faire de ces résumés de ta pensée. Je préfère entendre «soleil d'octobre» qui m'est plus sensible que ton mot nouveau, et me parle aux yeux et au cœur. Tes pierres sont des pierres, puis assemblées, des colonnes, puis une fois assemblées les colonnes, des cathédrales. Mais je ne t'ai offert ces ensembles de plus en plus vastes qu'à cause du génie de mon architecte, lequel les préférait pour les opérations de plus en plus vastes de son style, c'est-à-dire de l'expansion de ses lignes de force dans les pierres. Et dans la phrase aussi tu me fais une opération. Et c'est elle d'abord qui compte.

«Prends-moi ce sauvage, disait mon père. Tu peux lui augmenter son vocabulaire et il se changera en intarissable bavard. Tu peux lui emplir le cerveau de la totalité de tes connaissances, et ce bavard se fera clinquant et prétentieux. Et tu ne pourras plus l'arrêter. Et il s'enivrera de verbiage creux. Et toi, aveugle, tu te diras: «Comment se peut-il faire que ma culture loin de l'élever ait abâtardi ce sauvage et en ait tiré non le sage que j'en espérais, mais un détritus dont je n'ai que faire? Combien maintenant je reconnais qu'il était grand et noble et pur dans l'ignorance!»

«Car il n'était qu'un cadeau à lui faire, et que de plus en plus tu oublies et négliges. Et c'était l'usage d'un style. Car au lieu de jouer avec les objets de ses connaissances comme avec des ballons de couleur, de s'amuser du son qu'ils rendent, et de s'enivrer de sa jonglerie, le voilà tout à coup qui, usant peut-être de moins d'objets, va s'orienter vers ces démarches de l'esprit qui sont ascension de l'homme. Et voici qu'il te deviendra réservé et silencieux comme l'enfant qui ayant de toi reçu un jouet en a d'abord tiré du bruit. Mais voici que tu lui enseignes qu'il en peut tirer des assemblages. Tu le vois alors se faire pensif et se taire. S'enfermer dans son coin de chambre, plisser le front, et commencer de naître à l'état d'homme.

«Enseigne donc d'abord à ta brute la grammaire et l'usage des verbes. Et des compléments. Apprends-lui à agir avant de lui confier sur quoi agir. Et ceux-là qui font trop de bruit, remuent, comme tu dis, trop d'idées, et te fatiguent, tu les observeras qui découvriront le silence.

«Lequel est seul signe de la qualité.»


CL


Ainsi la vérité quand elle se fait à mon usage.

Et tu t'étonnes. Mais tu ne t'étonnes point, que je sache, quand l'eau que tu bois, le pain que tu manges, se font lumière des yeux, ni quand le soleil se fait branchage, et fruit et graines. Et certes tu ne retrouveras rien dans le fruit qui ressemble au soleil ou simplement rien du cèdre qui ressemble à la semence de cèdre.

Car né de lui ne signifie point qu'il lui ressemble.

Ou plutôt je dis «ressemblance» quelque chose qui n'est ni pour tes yeux ni pour ton intelligence, mais pour ton seul esprit. Et c'est ce que je signifie lorsque j'exprime que la création ressemble à Dieu, le fruit au soleil, le poème à l'objet du poème et l'homme que j'ai tiré de toi au cérémonial de l'empire.

Et ceci est très important car faute de reconnaître par les yeux une filiation qui n'a de sens que pour l'esprit, tu refuses les conditions de ta grandeur. Tu es semblable à l'arbre qui, de ne point retrouver les signes du soleil dans le fruit, refuserait le soleil. Ou plutôt comme le professeur qui, de ne point retrouver dans l'œuvre le mouvement informulable dont elle est issue, l'étudié, découvre son plan, dégage s'il ne peut y trouver des lois internes, et te fabrique ensuite une œuvre qui les applique, et te fait fuir pour ne la point entendre.

C'est ici que la bergère ou le menuisier ou le mendiant a plus de génie que tous les logiciens, historiens et critiques de mon empire. Car il leur déplaît que leur chemin creux perde ses contours. Pourquoi? leur demandes-tu. Parce qu'ils l'aiment. Et cet amour est la voie mystérieuse par où ils en sont allaités. Il faut bien, puisqu'ils l'aiment, qu'ils en reçoivent quelque chose. Peu importe si tu le sais formuler. Il n'est que des logiciens, des historiens et des critiques de n'accepter du monde que ce dont ils savent faire des phrases. Car je pense, moi, que toi, petit d'homme, tu commences seulement d'apprendre un langage et tâtonnes et t'y exerces et ne saisis encore qu'une mince pellicule du monde. Car il est lourd à transporter.

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