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Mes gendarmes, n'ayant rien compris, m'approuvèrent par un grognement. Car le gendarme peut cogner sans comprendre. Il cogne avec ses poings, lesquels sont vides de cervelle.

Cependant l'un d'entre eux qui était ancien charpentier toussa deux ou trois fois:

«Ils ne montrent point leur parenté. Ils n'ont point de lieu de réunion.

— Certes, lui répondis-je. Là est le danger. Car ils passent inaperçus. Mais à peine aurai-je publié le décret qui les désignera à la fureur publique, tu les verras se chercher l'un l'autre, s'unir l'un à l'autre, vivre en commun et, se dressant contre la justice du peuple, prendre conscience de leur caste.

— Cela n'est que trop vrai», approuvèrent mes gendarmes.

Mais l'ancien charpentier toussa encore

«J'en connais un. Il est doux. Il est généreux. Il est

honnête. Et il a gagné trois blessures à la défense de

l'empire…

— Certes, lui répondis-je. De ce que les femmes sont écervelées, en déduis-tu qu'il n'en soit aucune qui fasse preuve de raison? De ce que les généraux sont sonores, en déduis-tu qu'il n'en existe point un, par-ci par-là, qui soit timide? Ne t'arrête pas sur les exceptions. Une fois triés les porteurs du signe, fouille leur passé. Ils ont été source de crimes, de rapts, de viols, de concussions, de trahisons, de gloutonnerie et d'impudeur. Prétends-tu qu'ils sont purs de tels vices?

— Certes non, s'écrièrent les gendarmes, l'appétit s'étant éveillé dans leurs poings.

— Or, quand un arbre forme des fruits pourris, reproches-tu la pourriture aux fruits ou à l'arbre?

— A l'arbre, s'écrièrent les gendarmes.

— Et quelques fruits sains le font-ils absoudre?

— Non! non! s'écrièrent les gendarmes qui, bien heureusement, aimaient leur métier, lequel n'est point d'absoudre.

— Donc serait équitable de me purger l'empire de ces porteurs d'un grain de beauté sur la tempe gauche.»

Mais l'ancien charpentier toussa encore:

«Formule ton objection», lui dis-je, cependant que ses compagnons guidés par leur flair jetaient des coups d'œil lourds d'allusions dans la direction de sa tempe.

L'un d'eux s'enhardit, toisant le suspect:

«Celui qu'il dit avoir connu… ne serait-ce point son frère… ou son père… ou quelqu'un des siens?»

Et tous grognèrent leur assentiment.

Alors flamba ma colère:

«Plus dangereuse encore est la secte de ceux qui portent un grain de beauté sur la tempe droite! Car nous n'y avons même pas songé! Donc elle se dissimule mieux encore. Plus dangereuse encore que celle-là est la secte de ceux qui ne portent point de grain de beauté, car ceux-là vont dans le camouflage, invisibles comme des conjurés. Et en fin de compte, de secte en secte, je condamne la secte des hommes tout entière, car elle est, de toute évidence, source de crimes, de rapts, de viols, de concussions, de gloutonnerie et d'impudeur. Et comme il se trouve que les gendarmes, outre qu'ils sont gendarmes, sont hommes, je commencerai à travers eux, usant d'une telle commodité, l'épuration nécessaire. C'est pourquoi je donne l'ordre au gendarme qui est en vous de jeter l'homme qui est en vous sur le fumier des cachots de mes citadelles!»

Et s'en furent mes gendarmes, reniflant de perplexité et réfléchissant sans grand résultat, car il se trouve qu'ils réfléchissent avec les poings.

Mais je retins le charpentier, lequel baissait les yeux et faisait le modeste.

«Toi, je te destitue! lui dis-je. La vérité pour charpentier, laquelle est subtile et contradictoire à cause que le bois lui résiste, n'est point vérité pour gendarme. Si le manuel classe en noir les porteurs de grain sur la tempe, me plaît que mes gendarmes, rien qu'à entendre parler d'eux, sentent croître leurs poings. Me plaît de même que l'adjudant te pèse selon ta science au demi-tour. Car l'adjudant, s'il a droit de juger, il t'excusera dans ta maladresse à cause que tu es grand poète. De même pardonnera-t-il à ton voisin, car il est pieux. Et au voisin de ton voisin, car celui-là est modèle de chasteté. Ainsi régnera la justice. Mais que survienne en guerre la feinte subtile d'un demi-tour et voilà mes soldats empêtrés du coup les uns dans les autres, dans l'éclat d'un grand tintamarre, qui appellent sur eux le carnage. Seront bien consolés par l'estime de leur adjudant! Je te renvoie donc à tes charpentes, de peur que ton amour de la justice, là où elle n'a que faire, répande un jour le sang inutile.»


CCXIII


Mais vint celui qui m'interrogea sur la justice.

«Ah! lui dis-je, si je connais des actes équitables je ne connais rien sur l'équité. Il est équitable que tu sois nourri selon ton travail. Il est équitable que tu sois soigné si tu es malade. Il est équitable que tu sois libre si tu es pur. Mais l'évidence ne va pas loin… Est équitable ce qui est conforme au cérémonial.

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