Lilou crut déceler une imperceptible tension chez le vieil homme, qui se détourna vers la fenêtre.
— Sarah, oui, pauvre petite.
— Vous vous souvenez quel genre de fille elle était ?
— Je l’ai connue en sixième. Une petite fille ordinaire et dyslexique. Ses parents n’ont jamais voulu l’emmener chez l’orthophoniste, elle n’était pas très douée en classe, mais sérieuse. Elles étaient mignonnes, avec sa copine… La petite Angélique.
— Vous voulez parler d’Angélique Courtin ? demanda Lilou. Elles étaient si proches ?
Comme lors de la discussion avec le vieux René, l’évocation de Sarah avait automatiquement entraîné celle d’Angélique.
M. Follet eut un sourire attendri, son regard se perdit dans le lointain.
— Inséparables, toujours en train de rigoler, personne ne savait pourquoi. J’ai dû leur interdire de s’asseoir à côté en français. Angélique, si elle avait voulu… Elle aurait pu faire des études. Je les aimais bien, toutes les deux. Je n’ai pas su les aider.
— Qu’est-ce que vous voulez dire par là ? interrogea Lilou avec douceur.
Elle avait conscience que le vieil homme, perdu dans ses souvenirs, se parlait désormais plus à lui-même. Sa question fut suivie d’un silence et elle eut peur d’avoir rompu le charme et le flux de ses confidences.
— Elles se sont disputées, murmura-t-il. Si j’avais su leur parler, les réconcilier, peut-être que rien ne serait arrivé.
— Vous voulez dire que, si Angélique et Sarah ne s’étaient pas disputées, Sarah ne serait pas morte ? Mais je ne comprends pas, quel est le rapport entre Angélique et la disparition de Sarah ?
Les yeux de M. Follet s’emplirent de tristesse et, un court instant, Lilou, son sac à dos sur les genoux, redouta qu’il se mette à pleurer.
— Et leur histoire de cours particuliers, elles n’ont jamais utilisé la salle que j’avais mise à leur disposition, je n’ai jamais compris pourquoi elles avaient menti…
— Qui ça, « elles » ?
— Les Désenchantées…
— Je ne comprends pas, c’était qui, les Désenchantées ? Quel est le rapport avec Sarah ?
— Angélique, Morgane, Jasmine. Un groupe de copines, inoffensif en apparence ; elles se faisaient appeler comme ça, personne ne savait trop pourquoi. Et puis, Sarah et Angélique, après leur dispute, elles se détestaient tellement… Je me suis toujours demandé si elles auraient été capables de…
Il s’interrompit, soudain agité, et se mit à tirer nerveusement sur les boutons de son gilet torsadé.
— Capables de quoi ? Et qu’est-ce que vous voulez dire par « cette histoire de cours particuliers » ?
M. Follet secoua la tête.
— C’est du passé. Ce qui est fait est fait.
Il fit un signe à l’attention d’un jeune homme en blouse qui s’avança aussitôt.
— Je suis fatigué, vous pouvez m’aider à remonter dans ma chambre, s’il vous plaît ?
— Pas de problème, je vous raccompagne.
Lilou récupéra son téléphone, éteignit l’enregistrement et observa l’ancien professeur alors qu’il se dirigeait vers l’ascenseur avec l’aide-soignant. À deux reprises, ses questions sur Sarah avaient mené à Angélique et aux Désenchantées. Qu’est-ce que c’était que ce groupe de filles ? Une secte ? Et si Angélique et Sarah avaient été si proches, pourquoi Fanny n’interviewait-elle pas sa sœur pour son article ?
Elle renfila son sac à dos et rentra dans le GPS de son téléphone l’adresse du collège-lycée Victor-Hugo. À son arrivée, elle demanda à l’accueil si elle pouvait accéder aux archives des photos de classe pour un projet scolaire. La secrétaire, une dame affable et très bavarde, lui expliqua qu’ils venaient justement de tout numériser. En quelques clics depuis un ordinateur du CDI, Lilou pourrait voir toutes les photos de classe depuis 1967.
Lilou sélectionna les années qui l’intéressaient, de 1996 à 2001, les photos avaient été numérisées avec la page sur laquelle on inscrivait les noms des élèves dans leur ordre d’apparition. Sur les pages de sixième, cinquième et quatrième, elle retrouva Angélique et Sarah. Elles n’étaient pas à côté, Sarah, plus grande, se tenait au dernier rang. Lilou, toutefois, ne put retenir un sourire. Sur toutes les photos de classe, Sarah et Angélique portaient la même marinière bleu et rouge. C’était discret, si cela n’avait été le cas que sur une des photos, Lilou aurait pu ne rien remarquer. Mais en passant toutes les années à la suite, c’était flagrant : Angélique et Sarah s’amusaient à s’habiller à l’identique le jour de la photo de la classe. C’était un détail, mais un détail qui confirmait leur complicité. À partir de la troisième, ce n’était plus le cas. Angélique arborait un air morne, elle flottait dans des sweat-shirts sombres et informes, tandis que Sarah, toujours au dernier rang, semblait plus féminine, plus apprêtée. Lilou repéra aussi les deux adolescentes dont M. Follet avait parlé : Morgane Richard et Jasmine Bensalah. Elle nota leurs noms.
Анна Михайловна Бобылева , Кэтрин Ласки , Лорен Оливер , Мэлэши Уайтэйкер , Поль-Лу Сулитцер , Поль-Лу Сулицер
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