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Document de travail

Affaire Sarah Leroy – année 1999

Jasmine a pris l’habitude d’aller chez les Leroy deux fois par semaine. En dehors de sa mère qui y faisait le ménage, la maison aux volets bleus était vide la plupart du temps. Éric Chevalier était en classe préparatoire à Lille, il rentrait occasionnellement le week-end. Iris passait la journée dans son institut de beauté et Bernard Leroy était toujours fourré à la mairie ou en train de passer de la pommade à un préfet quelconque, potentiellement utile pour sa carrière. Sarah rentrait tard de la piscine et Benjamin n’avait jamais prononcé plus qu’un « Salut » inaudible, quand il la croisait, ce qu’il semblait éviter. Si d’aventure elle rencontrait un autre membre de la famille, c’était comme si elle était invisible.

Jasmine s’installait dans la grande cuisine aux placards jaunes. Sa mère la conjurait de ne rien toucher et de se faire le plus discrète possible : Iris Leroy avait été suffisamment généreuse pour accepter que sa fille passe une heure chaque jour chez eux à faire ses devoirs. Il ne fallait surtout pas que les Bensalah aient l’air de profiter de la situation. Jasmine aimait bien cette maison. Parfois, quand elle entendait l’aspirateur dans le salon, elle se rendait à l’étage sur la pointe des pieds et entrouvrait les portes des chambres à coucher, fascinée par la moquette épaisse, les meubles design, le marbre des deux salles de bains. En particulier, elle aimait contempler le dressing d’Iris. Il ressemblait à celui de Carrie Bradshaw dans Sex and the City. Jasmine passait ses doigts sur les vêtements soigneusement repassés par sa mère, elle fermait les yeux et inspirait l’odeur de lavande fraîche et de tissu neuf. Elle s’imaginait enfilant une robe ou une paire d’escarpins, étalant sur ses joues un peu de la crème antirides hors de prix qui trônait à côté du miroir dans la salle de bains attenante. Elle se demandait ce qu’il fallait faire pour avoir la chance d’être Iris et pour posséder tout ce qu’Iris avait.

Un jour, alors qu’elle caressait une écharpe en cachemire si douce qu’elle aurait voulu y poser sa joue, elle n’a pas entendu la porte de la chambre s’ouvrir. Un raclement de gorge est venu interrompre sa rêverie. Jasmine a sursauté et s’est retournée, envahie par la panique. Sarah Leroy se tenait devant elle, son sac Eastpak encore sur le dos et l’observait avec un mélange d’amusement et de curiosité. Jasmine a viré au rouge vif et a précipitamment remis l’écharpe sur l’étagère.

— J’aide ma mère, a-t-elle balbutié, elle m’a demandé de ranger cette écharpe.

Avec un sourire en coin, Sarah s’est approchée des chemisiers de soie suspendus par couleur et les a effleurés du bout des doigts.

— Tu as envie d’essayer ? a-t-elle demandé avec un air de conspiratrice.

Jasmine a secoué énergiquement la tête. Sarah a fait glisser son sac sur le sol. Elle a attrapé un manteau de fourrure, l’a enfilé et s’est examinée dans la glace.

— Ça me va ?

— Oui, a soufflé Jasmine en jetant des regards inquiets vers la porte, c’est très joli.

Sarah a éclaté de rire.

— Menteuse. Selon Iris, j’ai les épaules trop carrées, ça me donne l’air d’un camionneur déguisé en ours.

Jasmine, choquée, s’est exclamée sans réfléchir :

— C’est dégueulasse de dire ça !

Elle a plaqué immédiatement sa main sur la bouche, horrifiée par les mots qui venaient d’en sortir. Après un bref silence, Sarah a déclaré :

— C’est Iris… Personne ne le voit, mais elle est complètement cinglée. Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est la plus belle…, a-t-elle singé en prenant la pose dans son manteau de fourrure devant la glace.

Puis, brusquement, elle a saisi le poignet de Jasmine.

— C’est quoi ça ? a-t-elle demandé en désignant le ruban rose que portait Jasmine. « Désenchantée », a-t-elle lu à voix haute. Ça veut dire quoi ?

— C’est rien, juste un bracelet.

— Vous avez le même toutes les trois, a fait remarquer Sarah.

L’éclair de colère dans ses yeux n’a pas échappé à Jasmine.

— C’est un délire de gamines, ça ne veut rien dire de particulier, tu me fais mal.

Sarah a lâché le bras de Jasmine. Elle avait pâli, ses mâchoires étaient crispées. Elle a laissé tomber la fourrure par terre et est sortie de la pièce, sans un mot. Jasmine a ramassé le manteau à la hâte et l’a replacé soigneusement sur son cintre. Elle est retournée dans la cuisine et s’est replongée dans ses exercices de maths, les mains un peu tremblantes. Sa mère faisait toujours la poussière dans le salon et n’avait rien remarqué.

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