— En Belgique, oui. Parfois, je rêve que je pars au Japon ou en Australie… Tellement loin qu’ils ne me retrouveront jamais. Mais c’est impossible, tu ne prends pas l’avion quand tu es mineure sans te faire remarquer, sans compter que je n’ai nulle part où aller et pas un sou… Bref, j’attends d’être majeure, je trouve un boulot et je déménage, à Lille ou à Paris. Il faut juste que je tienne jusque-là.
— Comment tu peux tenir quasiment trois ans dans ces conditions ? a murmuré Angélique.
— Parce que je n’ai pas le choix.
Angélique fixait l’horizon que la nuit avait englouti, là où les falaises blanches de Douvres apparaissaient dans la brume les jours de beau temps. Elle a hoché la tête, a écrasé son mégot dans un pot de fleurs et a déclaré très calmement :
— On a toujours le choix. On va te sortir de là.
Aujourd’hui,
Lilou
Fanny se gara devant la piscine municipale. Elle n’avait pas dit un mot du trajet et Lilou sentait que cette histoire de « Folcoche » n’était pas très bien passée.
— J’ai trouvé l’historique de la météo, annonça-t-elle. C’était un peu galère d’accéder aux archives de Météo France, mais tu peux télécharger les données sur le site.
— Dis-moi qu’il faisait beau le 3 septembre 2001 !
Lilou jeta un regard surpris à sa belle-mère, elle avait les mains toujours crispées sur le volant alors qu’elle venait d’éteindre le contact, comme si la question était absolument cruciale.
— Ciel dégagé, vent faible, grand soleil, vingt et un degrés, déclara Lilou.
— Je le savais ! s’exclama Fanny d’un ton triomphal.
Lilou examina sa belle-mère d’un air circonspect. Qu’est-ce qu’ils avaient tous, avec cette histoire de météo ? Elle suivit Fanny qui s’engouffra d’un pas décidé dans la piscine de Bouville. L’odeur de chlore et la forte chaleur contrastaient avec la fraîcheur de la boutique du poissonnier.
— Bonjour, j’ai téléphoné, ce matin, j’ai rendez-vous avec M. Roussel.
— Oui, son bureau est au premier, indiqua la fille de l’accueil.
Lilou monta à la suite de Fanny dans l’escalier.
— Tu peux me dire ce qu’on fout ici ? grommela-t-elle.
— Toi qui es si cultivée, tu penses que Folcoche confierait une telle information à sa belle-fille ?
Lilou leva les yeux au ciel.
— T’es toujours là-dessus ? C’est bon, c’est de l’humour, ta psy ne te conseille pas de travailler sur ta susceptibilité ?
Sans répondre, Fanny frappa à la porte ouverte d’un bureau sur lequel était écrit « Adam Roussel ».
— Monsieur Roussel ? C’est moi qui vous ai écrit ce matin.
— Ah oui, bonjour, entrez. Vous voulez un café ?
— Avec plaisir.
Il semblait à Lilou que cet enchaînement de cafés était peu recommandable compte tenu de l’état déjà avancé de tension et d’énervement dans lequel se trouvait Fanny, aussi préféra-t-elle refuser. Il fallait bien que l’une d’elles reste raisonnable.
Le bureau surplombait la piscine. Une large vitre étouffait le son de l’eau, des cris enfantins et des coups de sifflet du maître nageur. De la chaise en plastique où elle s’était assise, Lilou pouvait voir une classe d’élèves s’exercer au plongeon et une femme enceinte faire des longueurs.
M. Roussel revint avec un gobelet de café.
— Dites-moi tout.
— Ma belle-fille ici présente rêve de traverser la Manche à la nage, elle a quatorze ans, bientôt quinze et elle fait beaucoup de natation. J’essaye de la convaincre que c’est impossible, mais vous savez à quel point ils sont bornés et pénibles à cet âge, surtout Lilou. Comme vous avez coaché il y a trois ans un nageur qui a effectué cette traversée, je voulais en parler avec vous.
Lilou, vexée de cette description peu flatteuse, jeta un coup d’œil furieux et stupéfait à sa belle-mère. Adam Roussel considéra Fanny avec sévérité.
— C’est très bien d’avoir de grands objectifs à cet âge et le soutien des proches est capital dans la réussite d’un projet. Sachez que tout record sportif est considéré comme impossible jusqu’à ce que quelqu’un qui voit les choses en suffisamment grand ait le courage de le réaliser.
— OK, qu’est-ce que ça impliquerait, ce projet, pour Lilou ? Est-ce qu’elle serait trop jeune physiquement ?
Lilou, qui jusqu’ici se demandait si Fanny n’était pas en train de faire un AVC étant donné l’incohérence totale de ses propos, comprit d’un coup où elle voulait en venir. Fanny pensait que Sarah avait fugué en Angleterre en traversant la Manche à la nage. Que cet adversaire, qu’elle fixait avec un mélange de terreur et de détermination sur la photo, n’était pas un ennemi caché, mais la mer qu’elle s’apprêtait à franchir.
— Physiquement, c’est très ambitieux, mais c’est possible, répondit M. Roussel en se tournant vers Lilou avec un sourire, un garçon de onze ans l’a traversée en 1986. Légalement, Lilou, tu devras toutefois attendre tes seize ans, mais de toute façon tu as besoin de ce temps pour t’entraîner convenablement. C’est un véritable exploit sportif, qui demande une discipline, une endurance et un entraînement extrême. Très peu de gens y arrivent.
— Comment ça, « extrême » ?
Анна Михайловна Бобылева , Кэтрин Ласки , Лорен Оливер , Мэлэши Уайтэйкер , Поль-Лу Сулитцер , Поль-Лу Сулицер
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