Si la France entière ne m’avait pas crue morte, Éric aurait vécu une belle vie sans être jamais importuné. Cette idée m’était intolérable. Pas tant par souci de vengeance personnelle, mais à cause de ce que cela révèle sur le monde dans lequel nous acceptons de vivre. Je suis désolée d’avoir imposé à mon frère, Benjamin, que j’aimais tendrement, la souffrance d’une tragédie qui n’est pas celle qui a réellement eu lieu. Je le regrette encore, mais si c’était à refaire, je mentirais à nouveau sans l’ombre d’une hésitation.
Parce que, même vingt ans après, je préfère encore crever pour de vrai que de voir Éric Chevalier réhabilité.
Aujourd’hui,
Fanny
Fanny se gara devant Le Comptoir du Fort et coupa le contact.
— On est arrivés, Maman ? demanda Oscar, le visage collé à la vitre.
— Oui, mon chéri, répondit Esteban en ouvrant la portière.
Fanny et Esteban sortirent de la voiture et ouvrirent le coffre pour en extirper les bagages tandis que Lilou récupérait la clé dans le pot de fleurs.
— Comment tu sais qu’elle était là ? chuchota Oscar, les yeux écarquillés.
— Parce que je sais tout, déclara Lilou posément en ouvrant la porte qui menait à l’appartement d’Angélique.
— Ça, c’est bien vrai, admit Oscar avec l’admiration béate qu’il manifestait depuis toujours pour sa grande sœur.
On était fin octobre, l’automne avait emporté avec lui les derniers touristes et les rayons du soleil. Esteban et Fanny avaient décidé d’aller passer les vacances de la Toussaint à Bouville-sur-Mer. Kim, la meilleure amie de Lilou, les rejoindrai le lendemain par le train. Angélique n’avait pas voulu se séparer du restaurant, mais elle avait décidé de le fermer deux mois pendant l’hiver. Elle avait confié Obi-Wan au vieux René et, pour la première fois de sa vie, elle avait pris l’avion la semaine précédente. Pour son premier voyage, elle avait choisi les États-Unis. Quand elle l’avait annoncé à Fanny, celle-ci, amusée lui avait dit :
— Tu me raconteras. Personnellement, je n’ose plus aller aux États-Unis, la dernière fois, ils ont prétendu que mon passeport était celui d’une immigrée clandestine…
— Oh, vraiment ? s’était étonnée Angélique avec un ton innocent.
— Tu passeras le bonjour à Sarah, avait rétorqué Fanny.
Angélique n’avait pas répondu, mais à l’autre bout du fil, Fanny avait entendu son sourire.
Fanny pénétra dans le petit appartement de son enfance.
— Ici, c’était ma chambre, expliqua-t-elle à Esteban, là celle d’Angélique. On prenait notre petit déjeuner sur le balcon de la cuisine, face à la mer…
Sur la télévision, bien en évidence, une enveloppe blanche. Dessus, de son écriture nerveuse, Angélique avait inscrit « Pour Fanny et Lilou ». Fanny saisit l’enveloppe, tandis qu’Esteban portait les valises dans la chambre.
— On va voir la mer ? demanda Oscar que les douze degrés à l’extérieur n’effrayaient pas.
Fanny ouvrit l’enveloppe. À l’intérieur, il n’y avait pas de mot, seulement deux petits rubans roses sur lesquels était écrit au stylo-bille « Désenchantée ». Fanny sourit.
— Lilou, viens voir ! appela-t-elle.
L’adolescente passa la tête dans l’entrebâillement de la porte. Elle n’avait plus ses cheveux roses. Maintenant, ils étaient verts, ce qui était pire, et d’un autre côté, Lilou avec des cheveux bêtement châtains, ça n’aurait pas vraiment été Lilou.
— Quoi ?
— Angélique a laissé ça pour toi.
Fanny noua le ruban autour du poignet de Lilou et celle-ci attacha le second au poignet de sa belle-mère.
— C’est quoi, ces bracelets ? demanda Esteban, curieux, en voyant l’expression ravie de sa fille.
— C’est rien du tout, répondit Lilou avec un sourire mystérieux. Viens, Oscar, on va voir la mer, j’ai trouvé un cerf-volant ! Et après je vais te présenter au vieux René, il a promis de nous emmener ramasser les moules !
— C’est un secret entre belle-mère et belle-fille, c’est ça ? s’amusa Esteban.
— Entre belle-mère et fille tout court, cria Lilou avant de claquer la porte, son petit frère sur les talons.
Esteban prit Fanny dans ses bras.
— On va avec eux ?
— Vas-y, toi, je voudrais travailler un peu.
— Ça marche.
Il déposa un baiser sur ses lèvres et partit rejoindre ses enfants. Fanny sortit de sa valise la pile de carnets que lui avait confiés Morgane quelques mois plus tôt. Fanny avait catégoriquement refusé de modifier ne serait-ce qu’un mot du dossier qu’elle avait envoyé à Catherine. La promotion qu’elle convoitait depuis si longtemps lui était passée sous le nez et elle avait démissionné. Elle avait décidé de devenir journaliste indépendante, pour pouvoir choisir ses sujets et écrire ce qu’elle voulait, comme elle l’entendait. N’était-ce pas pour ça qu’elle avait choisi ce métier au départ ?
En attendant, à partir des journaux intimes que lui avaient confiés les Désenchantées, elle avait décidé d’écrire leur histoire, la vraie. Angélique, Jasmine et Morgane en feraient ce qu’elles voudraient par la suite. Ce n’était pas à Fanny de décider pour elles, mais la vérité devait exister quelque part.
Анна Михайловна Бобылева , Кэтрин Ласки , Лорен Оливер , Мэлэши Уайтэйкер , Поль-Лу Сулитцер , Поль-Лу Сулицер
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