Ils continuèrent de le regarder avec une inébranlable confiance.
— Ne comptez pas sur moi pour vous sortir de là ! Je vous ai trahis ! Rendez-vous enfin compte ! C’est ma faute. Tout ce qui est arrivé, c’est ma faute ! Trouvez quelqu’un d’autre…
Il tourna la tête pour cacher les larmes qui lui montaient aux yeux. Luttant pour reprendre contenance, il ne sentit pas le regard d’Apoletta peser sur lui.
— Peut-être pourrais-je vous aider, après tout, lança l’elfe marine.
— Apoletta, qu’est-ce que tu viens de dire ? fit Zebulah, effaré.
— J’ai réfléchi, répondit-elle. Le demi-elfe dit que nous devrions nous inquiéter de ce qui se passe là-haut. Il a raison, il pourrait nous arriver la même chose qu’à nos cousins du Silvanesti. Ils se sont coupés du monde, et ils ont laissé le Mal envahir leur pays. Nous sommes prévenus. Il est encore temps de se battre. Votre venue nous aura peut-être sauvés, Demi-Elfe. Nous te devons quelque chose en retour.
— Aide-nous à revenir dans notre monde, répondit Tanis.
— Je vais le faire. Où irez-vous ?
— Un endroit en vaut un autre…, dit-il en soupirant.
— À Palanthas, déclara Caramon.
Tous le regardèrent d’un air gêné. Rivebise fronça les sourcils.
— Non, je ne peux pas vous emmener à Palanthas, dit Apoletta. Notre territoire ne va pas plus loin que Kalaman. Nous ne nous Aventurons pas au-delà. Surtout si ce que tu m’as raconté est vrai, car l’antique repaire des dragons marins se trouve derrière Kalaman.
— Bien ! Quelqu’un a-t-il une suggestion faire ?
Tous gardèrent le silence. Alors Lunedor avança.
— Puis-je te raconter une histoire, Demi-Elfe ? Celle d’un homme et d’une femme seuls et égarés, en proie à la peur. Avec leur fardeau, ils sont entrés dans une auberge. La femme entonna une chanson, un bâton de cristal bleu fit un miracle, la populace les agressa. Un homme se dressa. Un homme qui prit les choses en main. Un étranger qui déclara : « Filons par la cuisine ! »… T’en souviens-tu, Tanis ? demanda-t-elle en souriant.
— Je m’en souviens, murmura-t-il, fasciné par la douceur de la jeune femme.
— Nous attendons ta décision, Tanis, ajouta-t-elle simplement.
Les yeux du demi-elfe se voilèrent de larmes. Rivebise, lui, affichait un calme surhumain. Il esquissa un sourire en tapotant l’épaule de Tanis. Caramon hésita un instant, puis embrassa le demi-elfe sur les deux joues.
— Emmène-nous à Kalaman, Apoletta, dit Tanis. C’est là où nous voulions aller de toute façon.
Les compagnons dormirent au bord de l’eau. Apoletta leur avait recommandé de se reposer avant le voyage, qui serait long et pénible.
— Comment voyagerons-nous ? Par bateau ? demanda Tanis en voyant Zebulah se défaire de sa robe rouge et plonger.
— Vous nagerez, répondit Apoletta. Ne t’es-tu jamais demandé comment nous vous avions amenés jusqu’ici ? Mes pouvoirs magiques et ceux de mon époux vous donneront la capacité de respirer dans l’eau aussi facilement que dans l’air.
— Vas-tu nous transformer en poissons ? demanda Caramon, horrifié.
— En quelque sorte, répondit Apoletta. Nous viendrons vous chercher à la marée descendante.
Tika prit Caramon par la main. Il ne la quittait pas d’une semelle. Voyant qu’ils échangeaient un regard complice, Tanis se sentit le cœur plus léger. Quel qu’ait été le tumulte qui ravageait le cœur de Caramon, il trouverait ses amarres ; les flots sombres ne le submergeraient plus.
— Nous n’oublierons jamais cet endroit merveilleux, dit Tika.
Apoletta se contenta de sourire.
8
Retrouvailles
— Papa, papa, des naufragés ! Regarde la belle dame !
Il n’y avait pas une dame gisant sur la grève, mais deux. Quatre hommes leur tenaient compagnie. Tous étaient somptueusement vêtus. Autour d’eux, le sable était jonché de morceaux de bois, sans doute les restes d’un esquif.
— Ils se sont noyés, dit le petit garçon.
— Mais non, fit son père tâtant le pouls des naufragés.
Un des hommes reprenait conscience. Il se redressa et regarda autour de lui d’un air hébété. Quand il vit le pêcheur, il eut un sursaut de frayeur, et se rua à quatre pattes vers un de ses compagnons.
— Tanis ! cria-t-il. Tanis !
L’homme, qui portait une barbe rousse, ouvrit les yeux et se mit sur son séant.
— N’ayez pas peur, fit le pêcheur, lisant de l’inquiétude sur le visage des deux miraculés. Nous allons vous aider. Là, là, doucement, ça va mieux, dit-il en aidant les femmes à s’asseoir.
Le pêcheur et son fils emmenèrent les rescapés dans leur maison et leur donnèrent toutes sortes de remontants.
— Merci de ce que vous faites pour nous ! dit Tanis.
— Remerciez plutôt le ciel que je me sois trouvé là, répondit le pêcheur d’un ton bourru. Faudra faire attention, la prochaine fois ! On ne s’embarque pas sur une coquille de noix dans la tempête… !
— Euh… oui, bien sûr, nous y veillerons, dit Tanis, pris de court. À propos, peux-tu nous dire où nous nous trouvons exactement ?