Читаем Ensemble, c’est tout полностью

Quelquefois Camille regrettait leur petit badinage... Quelle bécasse, se disait-elle, c'était bien agréable... Mais ces accès de faiblesse ne duraient jamais longtemps. Pour avoir beaucoup craché au bassinet, elle connaissait le prix exact de la sérénité : exorbitant. Et puis qu'en était-il vraiment ? Où s'arrêtait la sincérité et où commençait le jeu avec lui ? Elle en était là de ces divagations, attablée seule devant un gratin mal décongelé, quand elle aperçut un truc bizarre sur le rebord de la fenêtre...

C'était le portrait qu'il avait fait d'elle hier.

Un cœur de laitue fraîche était posé à l'entrée de la coquille...

Elle se rassit et donna des petits coups de fourchette dans ses courgettes froides en souriant bêtement.

6

Ensemble, ils allèrent acheter un lave-linge ultra-perfectionné et se partagèrent la note. Franck bicha quand le vendeur lui rétorqua « Mais madame a entièrement raison... » et l'appela chérie pendant toute la durée de la démonstration.

— L'avantage de ces appareils combinés, pérorait le camelot, des deux en un, si vous préférez, c'est le gain de place évidemment... Hélas, on sait bien comment ça se passe pour les jeunes couples qui s'installent aujourd'hui...

— On lui dit qu'on s'est pacsé à trois dans un quatre cents mètres carrés ? murmura Camille en lui attrapant le bras.

— Chérie, je t'en prie... répondit-il agacé, laisse-moi écouter le monsieur, voyons...

Elle insista pour qu'il le branche avant le retour de Philibert, « Sinon ça va trop le stresser », et passa une après-midi entière à nettoyer une petite pièce près de la cuisine que l'on devait appeler « buanderie » autrefois...

Elle découvrit des piles et des piles de draps, de torchons brodés, de nappes, de tabliers et de serviettes en nid-d'abeille... De vieux morceaux de savons racornis et des produits tout craquelés dans des boîtes ravissantes : cristaux de soude, huile de lin, blanc d'Espagne, alcool à nettoyer les pipes, cire Saint-Wandrille, amidon Rémy, doux au toucher comme des morceaux de puzzle en velours... Une impressionnante collection de brosses de toutes tailles et de tous poils, un plumeau aussi joli qu'une ombrelle, une pince en buis pour redonner leur forme aux gants et une espèce de raquette en osier tressé pour battre les tapis.

Consciencieusement, elle alignait tous ces trésors et les consignait dans un grand cahier.

Elle s'était mis en tête de tout dessiner pour pouvoir l'offrir à Philibert le jour où il serait obligé de partir...

À chaque fois qu'elle se lançait dans un peu de rangement, elle se retrouvait assise en tailleur, plongée dans d'énormes cartons à chapeaux remplis de lettres et de photos et elle passait des heures entières avec de beaux moustachus en uniformes, de grandes dames tout juste sorties d'un tableau de Renoir et des petits garçons habillés en petites filles, posant la main droite sur un cheval à bascule à cinq ans, sur un cerceau à sept et sur une bible à douze, l'épaule un peu de biais pour montrer leurs beaux brassards de petits communiants touchés par la grâce...

Oui, elle adorait cet endroit et il n'était pas rare qu'elle sursaute en regardant sa montre, qu'elle cavale dans les couloirs du métro et qu'elle se fasse engueuler par Super Josy quand celle-ci lui indiquait le cadran de la sienne... Bah...

— Où tu vas, là ?

— Bosser, je suis super en retard...

— Couvre-toi, y pèle...

— Oui papa... Au fait... ajouta-t-elle.

— Oui ?

— C'est demain que Philou revient...

— Ah?

— J'ai pris ma soirée... Tu seras là ?

— Je sais pas...

— Bon...

— Mets au moins une échar...

La porte avait déjà claqué...

Faudrait savoir, scrogneugna-t-il, quand je la chauffe, ça va pas, quand je lui dis de se couvrir, elle se fout de ma gueule. Elle me tue, celle-là...

Nouvelle année, mêmes corvées. Mêmes cireuses trop lourdes, mêmes aspirateurs toujours bouchés, mêmes seaux numérotés (« plus d'histoires, les filles ! »), mêmes produits âprement négociés, mêmes lavabos bouchés, même Mamadou adorable, mêmes collègues fatiguées, même Jojo survoltée... Tout pareil.

Plus en forme, Camille était moins zélée. Elle avait déposé ses pierres à l'entrée, s'était remise à travailler, traquait la lumière du jour et ne voyait plus tellement de raisons de vivre à l'envers... C'était le matin qu'elle était le plus productive et comment travailler le matin quand on ne se couchait jamais avant deux ou trois heures, épuisée par un boulot aussi physique que débilitant ?

Перейти на страницу:

Похожие книги