Читаем Ensemble, c’est tout полностью

Ils restèrent ainsi quelques secondes, se dévisagèrent en silence, le temps de comprendre qu'aucun des deux n'allait mourir par la faute de l'autre, et quand il écarta sa main droite pour poser un doigt sur sa bouche, Camille le replongea dans le noir.

Son cœur s'était remis à battre. N'importe comment. Elle attrapa son manteau et sortit à reculons.

— Le code ? gémit-il.

— P... pardon ?

— Le code de l'immeuble ?

Elle ne savait plus, bredouilla, le lui donna, chercha la sortie en se tenant aux murs et se retrouva dans la rue, pantelante et couverte de sueur.

Elle croisa le vigile :

— Pas chaud ce soir, hein ?

— ...

— Ça va ? On dirait que t'as vu un fantôme...

— Fatiguée...

Elle était gelée, croisa les pans de son manteau sur son bas de survêtement trempé et partit dans la mauvaise direction. Quand elle réalisa enfin où elle se trouvait, elle longea la ligne blanche pour attraper un taxi.

C'était un break luxueux qui indiquait les températures intérieures et extérieures (+ 21°, — 3°). Elle écarta les cuisses, posa son front sur la vitre et passa le restant du trajet à observer les petits tas d'humains recroquevillés sur des grilles d'aération et dans les recoins des portes cochères.

Les entêtés, les cabochards, ceux qui refusaient les couvertures en aluminium pour ne pas être pris dans le faisceau de leurs phares et qui préféraient encore le bitume tiède à la faïence de Nanterre.

Elle grimaçait.

De méchants souvenirs lui remontaient à la gorge...

Et son fantôme halluciné, alors ? Il avait l'air si jeune... Et son chien ? C'était une connerie, ça... Il ne pouvait aller nulle part avec lui... Elle aurait dû lui parler, le mettre en garde contre le gros Matrix et lui demander s'il avait faim... Non, c'était sa dope qu'il voulait... Et son clebs ? Quand est-ce qu'il l'avait eue sa dernière ration de Canigou, lui ? Elle soupira. Quelle conne... S'inquiéter d'un corniaud quand la moitié de l'humanité rêvait d'une place sur une bouche d'aération, quelle conne... Allez, va te coucher, mémère, tu me fais honte. À quoi ça rime tout ça ? Tu éteins la lumière pour ne plus le voir et après tu te morfonds à l'arrière d'une grosse berline en mâchouillant ton mouchoir en dentelle...

Va te coucher, va...

L'appartement était vide, elle chercha de l'alcool, n'importe lequel, en but suffisamment pour trouver le chemin de son oreiller et se releva dans la nuit pour aller vomir.

7

Les mains dans les poches et le nez en l'air elle sautillait sous le panneau d'affichage quand une voix familière lui donna le renseignement qu'elle cherchait :

— Train en provenance de Nantes. Arrivée quai 9 à 20 h 35. Retard de 15 minutes environ... Comme d'habitude...

— Ah ! Ben t'es là, toi ?

— Eh oui... ajouta Franck. Je suis venu tenir la chandelle... Dis donc, tu t'es faite belle ! C'est quoi ça ? c'est du rouge à lèvres ou je me trompe ?

Elle cacha son sourire derrière les trous de son écharpe.

— Tu es bête...

— Non, je suis jaloux. T'en mets jamais du rouge à lèvres pour moi...

— C'est pas du rouge, c'est un truc pour les lèvres gercées...

— Menteuse. Montre...

— Non. Tu es toujours en vacances ?

— Je recommence demain soir...

— Ah?

— Elle va bien ta grand-mère ?

— Oui.

— Tu lui as donné mon cadeau ?

— Oui.

— Et alors ?

— Alors elle a dit que pour me dessiner aussi bien, c'est que tu devais être folle de moi...

— Ben voyons...

— On va boire quelque chose ?

— Non. Je suis restée enfermée toute la journée... Je vais m'asseoir là, à regarder les gens...

— Je peux mater avec toi ?

Ils se pelotonnèrent donc sur un banc entre un kiosque à journaux et un composteur et observèrent le Grand Carrousel des usagers affolés.

— Allez ! Cours mon gars ! Cours ! Hop... Trop taaard...

— Un euro ? Non. Une clope si tu veux...

— Est-ce que tu pourrais m'expliquer pourquoi c'est toujours les filles les plus mal foutues qui portent des pantalons taille basse ? Je comprends pas, là...

— Un euro ? Hé, mais tu m'as déjà tapé tout à l'heure, vieux !

— Avise la petite mamie avec sa coiffe bigoudène, t'as ton carnet, là ? Non ? C'est dommage... Et lui ? Regarde comme il a l'air content de retrouver sa femme...

— C'est louche, fit Camille, ça doit être sa maîtresse...

— Pourquoi tu dis ça ?

— Un homme qui déboule en ville avec son baise-en-ville et qui se précipite sur une femme en manteau de fourrure en l'embrassant dans le cou... Euh, crois-moi, c'est louche...

— Pff... C'est peut-être sa femme ?

— Meuh non ! Sa femme, elle est à Quimper et elle couche les mômes à l'heure qu'il est ! Tiens, en voilà un de couple, ricana-t-elle en lui indiquant deux beaufs qui s'engueulaient devant une borne à TGV...

Il secoua la tête :

— T'es nulle...

— T'es trop sentimental...

Deux petits vieux passèrent ensuite devant eux à deux à l'heure, voûtés, tendres, précautionneux et se tenant par le bras. Franck lui donna un coup de coude :

— Ah!

— Je m'incline...

— J'adore les gares.

— Moi aussi, répondit Camille.

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